Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans notre propre intérêt, — ou bien quand, au contraire, on rend sciemment un mauvais service, car nul ne convient qu’il a besoin de choses mauvaises. Voilà qui est expliqué sur le fait d’accorder une faveur ou de la refuser.


CHAPITRE VIII


De la pitié.


I. Quelles sont les choses qui excitent la pitié ; pour qui a-t-on de la pitié ; dans quel état d’esprit en a-t-on, voilà ce qu’il s’agit d’exposer ici.

II. La pitié sera le chagrin que nous cause un malheur dont nous sommes témoins et capable de perdre ou d’affliger une personne qui ne mérite pas d’en être atteinte, lorsque nous présumons qu’il peut nous atteindre nous-mêmes, ou quelqu’un des nôtres, et cela quand ce malheur parait être près de nous. En effet, il est évident que celui qui va être pris de pitié est dans un état d’esprit tel qu’il croira pouvoir éprouver quelque malheur, ou lui-même, ou dans la personne de quelqu’un des siens, et un malheur arrivé dans les conditions énoncées dans la définition, ou analogues, ou approchantes.

III. Aussi la pitié n’est le fait ni de ceux qui sont tout à fait perdus, car ils croient ne plus pouvoir rien éprouver, ayant essuyé toutes sortes d’épreuves, ni de ceux qui se croient au comble de la félicité. Ceux-là, au contraire, vous blessent par leur arrogance ; en effet, s’ils croient que tous les biens sont faits pour