Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/242

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eux, il est évident qu’ils prétendent ne souffrir aucun mal, ce qui est à mettre au nombre des biens.

IV. Il y a, au contraire, des personnes qui, par une disposition naturelle, sont portées à réfléchir qu’elles pourraient être éprouvées elles-mêmes, savoir : celles qui l’ont été déjà et qui ont pu se tirer d’affaire ; les vieillards, par bon sens et par expérience ; les gens faibles et les lâches encore davantage ; les personnes cultivées, lesquelles sont aptes à raisonner.

V. De même ceux qui ont des parents, des enfants, une femme, car ce sont des êtres qui les touchent de près et peuvent être frappés de malheurs analogues.

VI. De même encore ceux qui ne sont ni dans un état de passion qui tienne du courage, telle que la colère ou la témérité, car ces passions ne calculent pas l’avenir, — ni dans une disposition qui les porte à l’arrogance ; car les arrogants ne sont pas en état de calculer que la même épreuve pourra les affecter, mais plutôt dans une situation d’esprit intermédiaire. Il en est de même de ceux qui n’ont pas de vives alarmes, car on est sourd à la pitié quand un malheur nous frappe d’épouvante, parce que l’on est tout entier à ses propres épreuves.

VII. On aura de la pitié si l’on croit qu’il existe d’honnêtes gens ; car, si l’on n’a cette idée de personne, on trouve toujours que le malheur est mérité. Et, d’une manière générale, lorsqu’on sera disposé à se rappeler que la même calamité est tombée sur soi-même, ou sur les siens, ou encore à songer qu’elle peut nous atteindre, nous ou les nôtres. Voilà pour les divers états d’esprit où l’on a de la pitié.

VIII. Quant à ce qui inspire ce sentiment, la définition donnée le montre avec évidence. Parmi les choses