même la pitié et, souvent, il peut favoriser le sentiment contraire [1].
XIII. On a aussi de la pitié lors qu’un danger terrible est imminent. Ce sentiment nous anime encore à l’égard de ceux qui ont avec nous des rapports d’âge, de caractère, de profession, d’opinions, de naissance ; car ces rapports nous font d’autant mieux voir que la même épreuve pourrait nous atteindre, et, d’une manière générale, il faut observer, à ce propos, que ce que l’on craint pour soi nous inspire de la pitié pour les autres qui l’éprouvent.
XIV. Comme les épreuves qui paraissent à notre portée excitent la pitié, tandis que, n’ayant ni l’appréhension, ni le souvenir de ce qui est arrivé il y a des centaines d’années, ou arrivera plus tard, nous ne ressentons aucune pitié, ou tout au moins le même genre de pitié, il s’ensuit nécessairement que ceux qui contribuent à nous représenter des faits lointains par leur costume, leur voix et, généralement, avec tout l’appareil théâtral, seront plus aptes à faire naître la pitié ; car ils rapprochent de nous le malheur qu’ils reproduisent devant nos yeux, soit comme futur ; soit comme passé.
XV. Les événements récents, ou ceux qui auront lieu bientôt, sont, pour la même raison, d’autant plus propres à exciter la pitié.
XVI. Ajoutons-y la production des objets et des travaux de ceux qui ont souffert : par exemple, leurs vêtements et toutes les autres choses analogues ; les discours tenus par eux pendant l’épreuve, ceux des mourants, par exemple, et surtout ce fait qu’ils se sont comportés dans de telles circonstances avec une
- ↑ Aristote dira plus loin (ch. IX, § 1) que la pitié a pour contraire l’indignation.