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qui précèdent donnent une idée claire des circonstances opposées. Par conséquent, si le discours met les juges dans une telle disposition, et que les personnes qui prétendent avoir droit à notre pitié, ainsi que les motifs allégués pour la faire naître, soient présentés comme indignes d’arriver à ce résultat et comme méritant plutôt de ne pas l’obtenir, il deviendra impossible que la pitié soit excitée.


CHAPITRE X


De l’envie.


I. On voit aisément quels motifs suscitent l’envie, quelles personnes nous font envie et dans quel état d’esprit sont les envieux ; s’il est vrai que l’envie est la peine que l’on éprouve à la vue d’un succès en fait de choses que nous avons considérées comme avantageuses par rapport à ceux d’une condition semblable à la nôtre, non pas eu égard à notre intérêt, mais à leur intérêt, à eux. En effet, on aura un sentiment d’envie vis-à-vis de personnes qui sont, ou paraissent être nos semblables.

II. J’entends par « nos semblables » ceux qui le sont par la naissance, les liens de parenté, l’âge, la profession, la considération, les moyens d’existence. Ceux-là seront envieux qui ont toutes sortes de biens, ou peu s’en faut ; c’est pour cela que ceux qui font de grandes affaires et qui ont du bonheur sont enclins à l’envie : ils s’imaginent toujours que ce qu’on acquiert leur appartient.