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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/257

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ne supportent pas qu’on tienne peu de compte de leur personne, et se fâchent quand ils croient qu’on leur fait tort.

VI. Ils ont le goût des honneurs, ou, plutôt, de la victoire ; car la jeunesse est avide de supériorité, et la victoire en est une. Ils tiennent plus à ces deux avantages qu’à celui des richesses, ou, plutôt, ils n’ont aucunement l’amour des richesses, n’en ayant pas encore éprouvé le besoin, comme l’exprime l’apophtegme de Pittacus sur Amphiaraüs[1].

VII. Ils ne sont pas portés au mal ; ils ont plutôt un bon naturel, n’ayant pas encore eu sous les yeux beaucoup d’exemples de perversité. Ils sont confiants, n’ayant pas encore été souvent abusés.

VIII. Ils sont enclins à l’espérance ; cela vient de ce que la nature donne de la chaleur à la jeunesse, comme aux gens abreuvés de vin[2], et, en même temps, de ce qu’ils n’ont pas encore été beaucoup éprouvés par la mauvaise fortune. Ils vivent surtout d’espérance, car l’espérance a trait à l’avenir, et le souvenir au passé ; or, pour les jeunes gens, le passé est encore peu de chose, et l’avenir beaucoup. En effet, aux premier jours (de l’existence), ou trouve que le souvenir n’est rien et que l’espérance est tout. Ils sont faciles à tromper, pour la raison que nous avons donnée [3] ; en effet, ils espèrent volontiers.

  1. Voici cet apophtegme
    Σὺ δ’ οὔπω χρυσῶν ἔρωτος ἐγεύσω

    ᾞ γὰρ ἄν χεῖρας εἶχες ἑτοίμους λαδεῖν ;

    Mais toi, tu mas pas encore savouré l’amour de l’or ;

    Aurais-tu donc des mains prêtes à acquérir ?
  2. Et que cette chaleur intérieure prédispose à voir les choses en beau.
  3. § 7.