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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/275

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ne faut pas que les charges soient tirées au sort, on alléguera que c’est comme si l’on tirait au sort les athlètes (choisissant) non pas ceux qui seraient en état de lutter, mais ceux que le sort désignerait ; ou comme si l’on tirait au sort, parmi les marins, celui qui tiendra le gouvernail et qu’on dût choisir celui que le sort désigne, et non celui qui sait s’y prendre.

V. Le récit c’est, par exemple, celui de Stésichore au sujet de Phalaris[1], et celui d’Ésope au sujet du démagogue. Stésichore[2], voyant les habitants d’Himère choisir Phalaris pour dictateur militaire et se disposer à lui donner une garde du corps, après avoir touché divers autres points, leur fit ce récit : « Un cheval occupait seul un pré ; survint un cerf qui détruisit sa pâture. Il voulut se venger du cerf et demanda à un homme s’il ne pourrait pas l’aider à châtier le cerf. L’homme lui répondit que oui, s’il acceptait un frein et que lui-même le montât en tenant des épieux à la main. (Le cheval) ayant consenti et (l’homme) l’ayant monté, au lieu d’obtenir vengeance, le cheval fut, dès lors, asservi à l’homme. Vous de même, dit-il, prenez garde que, en voulant tirer vengeance de l’ennemi, vous ne subissiez le même sort que le cheval. Vous avez déjà le mors, ayant pris un général dictateur ; mais, si vous lui donnez une garde et que vous vous laissiez monter dessus, dès lors, vous serez asservi à Phalaris[3]. »

VI. Ésope, plaidant à Samos pour un démagogue sous le coup d’une accusation capitale, s’exprima en ces termes : « Un renard, qui traversait un fleuve, fut

  1. Cp. Horace, Ep., I, 10, 34.
  2. Interpolation présumée.
  3. Cp., dans La Fontaine, Le cheval s’étant voulu venger du cerf, l. IV, fable 13.