Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/309

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venu à cause de ce fait [1], raisonnement employé surtout dans les affaires d’État. Ainsi Démade voyait dans la politique de Démosthène la cause de tous les maux, car c’est aussitôt après le triomphe de cette politique que survint la guerre[2].

IX. Un autre tient à l’omission de la question du moment et des conditions. Exemple : c’est à bon droit qu’Alexandre (Pâris) emmena Hélène, puisque la faculté de choisir (un époux) avait été laissée à celle-ci par son père. Elle ne l’avait sans doute pas été indéfiniment, mais pour une première fois ; car l’autorité de son père n’allait pas plus loin. Autre exemple : si l’on prétendait que de frapper les hommes libres est un outrage. Ce n’est pas toujours vrai, mais seulement lorsque l’on commence par des voies de fait injustes.

X. Outre cela, de même que, dans les controverses, il existe un syllogisme apparent qui a trait au fait considéré absolument et non absolument, mais selon certaine éventualité, par exemple, dans la dialectique, comme quoi le non-être existe, car le non-être est non-être ; et comme quoi l’inconnu peut être su, car il est su que l’inconnu est inconnu, de même, dans les rhétoriques, il existe un enthymème apparent qui a trait au fait non absolument vraisemblable, mais à une certaine vraisemblance. Du reste, il n’est pas d’une application générale, et, comme le dit Agathon :

On dirait volontiers peut-être que ceci est vraisemblable, qu’il arrive bien des choses aux mortels qui son invraisemblables[3].
  1. Sophisme cum hoc ou post hoc, ergo propter hoc.
  2. Eschine, en 330, fit le même reproche à Démosthène (contre Ctésiphon, § 134), peut-être après la composition de la Rhétorique (voir Spengel).
  3. Il y a une simple réminiscence de ces vers dans la Poétique, ch. XVIII, et dans Denys d’Halicarnasse, Lettre à Ammaeus sur Aristote, ch. VIII.