Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/330

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« ayant reçu un musée », mais « le musée de la nature ». Il dira : « le sombre souci de l’âme » ; et non pas « l’auteur de la faveur », mais « l’auteur de la faveur populaire et le dispensateur du plaisir de ses auditeurs » ; et non pas « il recouvrit de rameaux », mais « de rameaux provenant de la forêt » ; non pas « il voila son corps », « mais la pudeur de son corps ». Il dira : « le désir, contre-imitateur de l’âme ». Ce dernier terme est tout ensemble un mot composé et une épithète, de sorte qu’il devient une expression poétique. Il dira de même « le comble superlatif de la méchanceté ». Aussi ceux qui s’expriment poétiquement hors de propos pèchent par le ridicule et par la froideur, et leur verbiage produit l’obscurité ; car, s’ils ont affaire à un auditoire au courant de la question, ils dissipent la notion claire en la couvrant de ténèbres. On a recours, d’ordinaire, aux mots composés, lorsque manque le terme propre et que le mot est bien composé, comme, par exemple, χρονοτριβεῖν (perdre son temps) : mais, si le fait est fréquent, ce sera toujours un langage poétique. Aussi le mot composé est surtout utile à ceux qui font des dithyrambes, lorsqu’ils recherchent les termes sonores. Les mots étranges le seront surtout aux poètes épiques, lesquels recherchent la majesté et la hardiesse ; la métaphore, aux poètes ïambiques, car ceux-ci en font usage encore aujourd’hui, comme nous l’avons dit.

IV. En quatrième lieu, la froideur a pour cause la métaphore ; car il y a des métaphores déplacées : les unes parce qu’elles sont ridicules, attendu que les poètes comiques ont aussi recours aux métaphores, les autres par ce qu’elles ont de trop majestueux et de tragique. De plus, elles sont obscures, si l’on va les chercher trop loin.