Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/337

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II. L’un ou l’autre procédé dépendra du caractère bas ou inconvenant de l’expression. Si la bassesse est dans l’explication, on emploiera le nom ; si elle est dans le nom, l’emploi de l’explication sera préférable.

III. Exprimer sa pensée avec des métaphores et des épithètes, pourvu que l’on se garde du style poétique.

IV. Du singulier faire le pluriel, à l’exemple des poètes. Bien qu’il y ait un seul port, ils disent néanmoins : « Vers les ports achéens[1] » Ils disent encore :

Voici les plis nombreux d’une tablette[2].

V. Ne pas joindre (les mots), mais les faire succéder chacun à chacun : « de la femme qui est la nôtre, » et, si l’on recherche la concision, faire le contraire : « de notre femme. »

VI. Parler avec conjonctions, et, si l’on veut être concis, parler sans conjonctions, mais en évitant le style haché ; par exemple : « étant parti, et ayant causé ; — étant parti, j’ai causé. »

VII. Pratiquer le procédé avantageux d’Antimaque[3], lequel consiste à parler de choses qui n’importent pas au sujet, comme le fait ce poète à propos de Teumessos[4] :

Il est une petite colline exposée au vent…,


car on peut amplifier ainsi indéfiniment. Le procédé consistant à dire ce qu’une chose n’est pas peut s’appliquer aux bonnes et aux mauvaises, selon l’utilité

  1. Λιμένας εἰς Ἀχαῖκοὑς. Fin de vers ïambique d’un poète inconnu.
  2. Eurip., Iphig. en Tauride, vers 727.
  3. Antimaque de Colophon ou plutôt de Claros, colonie sortie de Colophon. Voir sur ce vers C. Ad. G. Scheilenberg, Antimach. reliq., Halo S., 1786, p. 52.
  4. Montagne de Béotie. Cp. Strabon, Géogr., IX, 31, p. 412, éd. Casaub.