Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/374

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de points, plutôt que de se tenir dans le sujet. C’est ce qui fait que les esclaves ne donnent pas les explications qui leur sont demandées, mais tournent autour du fait[1] et font des préambules.

XI. Quels moyens on doit employer pour se concilier la bienveillance de l’auditoire, nous l’avons expliqué, ainsi que chacun des autres procédés de même ordre. Comme le vers suivant contient une idée juste :

Accorde-moi d’arriver chez les Phéaciens en ami et en homme digne de leur pitié…[2],

il faut viser à ce double but[3]. Dans les discours démonstratifs, on doit faire en sorte que l’auditeur croie avoir une part des louanges, soit lui-même en personne ou dans sa famille, ou dans ses goûts, ou à n’importe quel autre point de vue. Socrate dit dans l’Oraison funèbre, avec raison, que « le difficile n’est pas de louer les Athéniens au milieu des Athéniens, mais de le faire parmi les Lacédémoniens »[4]. Les (exordes) de la harangue sont empruntés à la source qui fournit ceux du discours judiciaire ; mais on en use le moins possible, car l’auditoire sait de quoi il s’agit, et l’affaire discutée n’exige aucunement un exorde, — à moins que ce ne soit en vue de l’orateur ou de ses contradicteurs, ou si les auditeurs ne supposent pas à la question le degré d’importance qu’on lui donne, mais un degré supérieur, ou inférieur. Aussi faut-il ou avancer, ou détruire une imputation, et grandir ou diminuer les choses. Or, pour cela, il faut un exorde.

  1. Cp. Sophocle, Antig., vers 241.
  2. Homère, Odyssée, VI, 317.
  3. Se concilier l’attention et l’intérêt de l’auditeur.
  4. Platon, Ménéxène, p. 235. Cp. ci-dessus, p. 132.