Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/378

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était l’ennemi de Priam, et qu’il n’a pas dénoncé les espions.

X. Un autre moyen, pour celui qui veut lancer une imputation, consiste à placer un blâme sévère à côté d’un éloge insignifiant, à mentionner en peu de mots un fait important, à commencer par avancer plusieurs assertions avantageuses (à l’adversaire) pour en blâmer une qui a trait directement à l’affaire. Ceux qui parlent dans cet esprit sont les plus habiles et les plus injustes, car ils s’efforcent de blâmer avec ce qu’il y a de bien en le mêlant à ce qu’il y a de mal. Or c’est un procédé commun à l’imputation malveillante et à la défense, puisqu’il peut arriver ainsi que le même résultat est obtenu dans une intention différente, en ce sens que celui qui veut incriminer doit prendre en mauvaise part le fait qu’il dégage, et que celui qui veut défendre doit le prendre en bonne part. Citons, par exemple, ce fait que Diomède a préféré Ulysse : pour un défenseur, c’est parce que Diomède l’a supposé le meilleur ; pour un accusateur, ce n’est pas par ce motif, mais parce qu’il ne voyait pas en lui un rival[1], vu son peu de valeur.

Voilà ce qu’il y avait à dire sur l’imputation calomnieuse.

  1. Homère, Iliade, X, vers 130 et 141. — Cp. ci-dessus, II. ch. XXIII, 30.