Page:Aristote Metaphysique 1840 2.djvu/162

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il n’y a pas un troisième homme, un cheval en dehors du cheval en soi et des chevaux particuliers. Si, au contraire, il n’en est pas ainsi, de quels êtres faut-il dire que s’occupent les mathématiciens ? Évidemment ce n’est pas des êtres que nous connaissons par les sens, car aucun d’eux n’a les caractères de ceux qu’étudient les sciences mathématiques. Et, d’ailleurs, la science que nous cherchons ne s’occupe pas des êtres mathématiques, car aucun d’eux ne se conçoit sans une matière[1]. Elle ne porte pas non plus sur les substances sensibles : elles sont périssables.

On pourrait se demander encore à quelle science il appartient d’étudier la matière des êtres mathématiques ? Ce n’est pas à la physique ; car toutes les spéculations du physicien ont pour objets des êtres qui ont en eux-mêmes le principe du mouvement et du repos. Ce n’est pas davantage à la science qui démontre les propriétés des êtres mathématiques ; car c’est sur la matière même de ces êtres, qu’elle prend pour accordée, qu’elle établit ses recherches[2]. Reste à dire que c’est notre science, que c’est la philosophie, qui s’occupe de cette étude.

  1. Le texte : χωριστὸν… οὐθέν. On se rappelle qu’il y a, selon Aristote, deux sortes d’essences, deux sortes de définitions : le σύνολον, qui n’est pas χωριστόν, et l’essence proprement dite, qui existe de soi, et se conçoit sans matière. Les êtres mathématiques rentrent dans la première classe ; seulement, leur matière n’est pas une matière sensible mais une matière intelligible. C’est de cette matière intelligible qu’on ne peut pas les séparer.
  2. Nous avons paraphrasé le texte, extrêmement elliptique à cet endroit, et qui sent un peu trop sa manière antique, comme dit Alexandre : λίαν ἀρχαιοπρεπῶς εἴρηται. La traduction littérale eut été complètement inintelligible.