Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/103

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bois Chevalier, à droite de la route. Nous battons un peu la forêt : elle ne renfermait rien de suspect. Au bout d’une bonne heure, nous débouchons du bois et nous arrivons sur un plateau très élevé qui domine Daigny et d’où nous découvrons un magnifique spectacle. Devant nous, à un kilomètre à peu près, des batteries françaises établies sur les collines qui commandent la Meuse ; dans la vallée, le fleuve majestueux et calme ; de l’autre côté, sur les coteaux qui nous font face, des batteries prussiennes qui ont engagé un duel avec les nôtres. Nous suivons avec un intérêt extrême les phases du combat, dont l’éloignement ne nous permet du reste de juger qu’assez mal. Tout d’un coup, en face de nous, à côté des batteries allemandes, un régiment de cavalerie prussien, jusque-là dissimulé par un bois, se démasque et part au galop pour descendre à la Meuse. Nos artilleurs l’aperçoivent, pointent rapidement et tirent : le régiment se débande et recule. Quelques petits points noirs, à peine visibles à la distance où nous sommes, restent sur le terrain ; à l’aide d’une lorgnette que nous prête un instant un officier d’artillerie, nous distinguons les hommes et les chevaux atteints par nos boulets.

Après avoir pendant un instant considéré ce triste et émouvant spectacle, nous reprenons notre route. Nous traversons Daigny, où nous pûmes, mon ami et moi, attraper chacun une tartine de raisiné ; nous passons par Fond de Givonne et nous arrivons près de Sedan, sur un point culminant où une batterie d’artillerie était en train de s’établir. La position était magnifique et d’une telle importance que les Prussiens, le lendemain, pensant que les Français s’y étaient fortifiés et s’y défendraient à outrance, hésitaient à l’attaquer ; ils la prirent à revers.