Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’ennemi qui se présente, accepter la lutte et la prolonger le plus longtemps possible. Nous sommes un peu plus de trois cents : trois compagnies entières et quelques soldats de plusieurs corps, turcos, zouaves, chasseurs de Vincennes qui, perdus dans la cohue de la veille et ne pouvant, dans l’immense désordre qui régnait, retrouver leurs régiments, se sont rattachés au premier corps organisé qu’ils ont rencontré ; deux de nos compagnies, emportées par le torrent ; étaient allées, la veille, se jeter dans Sedan. Elles firent bravement leur devoir ; plusieurs de nos camarades moururent sur les remparts ; les autres, envoyés en reconnaissance dans la direction de Mézières, dépassèrent Vrigne-aux-Bois et campèrent entre ce village et Ville-sur-Lumes. Le jour de la bataille de Sedan, de fortes colonnes de cavalerie ennemie s’étant montrées près de Ville-sur-Lumes, les francs-tireurs gagnèrent un bois qui commande la route et reçurent à coups de fusil un escadron de hussards prussiens qui se retira, mais un fort détachement de uhlans pénétra d’un autre côté dans le village et y mit le feu. Mon ami et moi, nous étions descendus vers quatre heures et demie, transis de froid, d’une grange où nous avions passé une nuit sans sommeil. Déjà l’action était engagée autour de Sedan. On entendait à peu de distance, et augmentant d’intensité à mesure que le jour avançait, le bruit sinistre des batailles, le grondement du canon, le roulement des mitrailleuses, le pétillement de la fusillade.

Tout nous annonçait que le destin de la France se jouait en ce moment, et, malgré nos funestes pressentiments, la confiance était si vivace en nous que nous voulions encore croire à un succès.