Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/111

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mais un peu dissimulés par une petite haie et quelques fagots, que l’ennemi commence son mouvement devant nous. Un régiment d’infanterie, puis un de cavalerie apparaissent et se déploient tranquillement à 5 ou 600 mètres de nous. Ils s’avançaient entre notre armée et nous avec un tel calme que, ne soupçonnant pas que l’armée française pût laisser, sans résistance, occuper ces positions, nous voulions absolument nous persuader que nous avions devant nous des forces françaises. Au bout d’un instant, cependant, une batterie vint prendre position dans un bouquet de bois. Son feu se dirige vers Sedan. Cela commence à nous troubler. « Ce sont les Allemands. Non…, si… » – « Ce sont nos batteries. Mais non…, mais si… » Nous perdons dans l’indécision un long moment qui aurait pu nous être bien profitable. À ma gauche se trouve un turco qui enrage. Il avait été à Wissembourg et à Wœrth. « Ce sont les Allemands, crie-t-il ; jamais les Français ne se cachent dans les bois comme les chacals. » Entre le turco et moi, pâle, silencieux, serrant de ses mains crispées un chassepot admirablement fourbi, un chasseur de Vincennes dévore les régiments des yeux pour tâcher de résoudre le problème et grommelle par intervalles : « Si ce sont des Prussiens pourtant, comme on les démolirait ! C’est la bonne portée pour le chassepot. – À coup sûr, quoi ! – Est-il possible d’être commandé comme ça ! »

Il y avait du vrai dans le reproche. Le commandant, brave comme un lion, était à cheval à côté de nous. Il se creusait la tête et se mettait l’esprit à la torture pour découvrir quelles troupes il avait en face de lui. Par malheur, ni lui ni ses officiers n’avaient de lorgnettes. Mon ami avait emporté une excellente lunette