Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/122

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laver leurs blessures et y étancher leur soif ; l’un d’eux a la jambe traversée par une balle ; l’autre (c’est un artilleur) le haut de la cuisse enlevé par un éclat d’obus. Un peu plus loin nous apercevons un paysan. Nous l’appelons, et, sur nos vives instances, sur l’assurance maintes fois répétée qu’il n’y a pas de danger, il se décide à aller chercher ces malheureux dans sa charrette bien garnie de paille et à les transporter en Belgique. C’est tout ce que nous pouvions faire pour eux.

Notre médecin et notre ambulance étaient restés à la Chapelle, où les Prussiens, entre parenthèses, ne permirent pas que l’on s’occupât de nos blessés avant que le pansement de tous les Allemands frappés par nos balles eût été entièrement achevé. Cette opération dura près de trois heures et demie et fut faite en grande partie par notre médecin et nos ambulances, et avec nos médicaments, tandis qu’à deux pas des Français mouraient faute de soins ! Il est vrai que ces Français étaient des francs-tireurs et que les Allemands, s’il faut les en croire et d’après leurs principes sur la manière de faire la guerre, eussent été en conscience obligés de les achever, bien loin de les laisser mourir des suites de leurs blessures, tout franc-tireur devant être abattu sans jugement. Il faudrait être de bien mauvaise foi pour ne pas avouer qu’en somme les Allemands se sont montrés, dans cette circonstance, bien compatissants et bien humains en ne fusillant que ceux d’entre nous qu’ils avaient pris les armes à la main, sans blessures, et en permettant, quatre heures après le combat, que l’on pansât les autres.

Près de la frontière nous rencontrons quelques paysans. Mon ami déchire une feuille de son carnet, met dans une enveloppe à l’adresse de sa mère les