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Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/46

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jardins, de parcs ; de tous côtés la vue se repose sur un fond de verdure. En regardant Bougival on voit à droite, se découpant dans l’azur du ciel, la majestueuse silhouette de l’aqueduc de Marly, à gauche la sombre forteresse du Mont-Valérien, comme si l’homme avait pris plaisir à mettre sur les points les plus élevés que l’œil puisse embrasser dans ce vaste horizon le sceau de son double génie, du génie bienfaisant qui crée, féconde et conserve, du génie farouche qui ruine et détruit.

Dans l’après-midi un de nos amis nous rejoignit ; il quittait Paris et nous apportait l’Officiel du matin et les journaux dans lesquels avaient été publiées la nouvelle des désastres de Reichshoffen et de Forbach et la dépêche désespérée de l’empereur prescrivant de mettre la capitale en état de défense. Quels sinistres présages dans ces quelques mots ! L’état de siège venait d’être proclamé pour Paris et trois départements ; la consternation et l’abattement s’étaient emparés de tous les esprits, surtout de ceux qui, quelques jours avant, criaient avec le plus d’ardeur :À Berlin ! en se disant peut-être tout bas que Berlin était trop loin pour qu’on pût les y envoyer.

Le dîner fut triste. Le Mont-Valérien, que nous apercevions de la table, venait sans cesse nous rappeler les idées de guerre dont notre esprit était déjà plein, et, malgré la jactance française dont nous étions imbus, comme tout le monde à peu près, nous commencions à nous demander si, après tout, on n’avait pas bien fait de fortifier Paris et si, malgré la phrase quelque peu naïve de M. Émile Ollivier au Corps législatif, on ne pouvait pas raisonnablement supposer que « le territoire pût être envahi sur quelques points ». Le soir, en partant, nous fîmes nos