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Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/56

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la défaite, n’avaient plus confiance dans leurs chefs ; les autres étaient composées de recrues mal exercées, mal équipées ; toutes manquaient de cohésion, d’énergie, de foi en l’avenir et surtout de discipline.

Dans ces conditions, un corps de cinq cents hommes expérimentés et résolus était un appoint qu’on ne dédaigna pas. On voulut bien nous admettre dans l’armée. Seulement, en signe d’honneur pour un corps entièrement composé de volontaires, nous nous trouvions toujours en dehors de l’armée, en avant, en arrière ou sur les flancs, à portée d’une surprise et condamnés à faire des marches longues et pénibles, car, quand l’armée suivait une ligne droite, nous décrivions un demi-cercle autour d’elle.

Francs-tireurs faisant la cuisine

Après des lenteurs qui nous parurent interminables, notre équipement fut enfin à peu près complet, et nous allâmes camper deux jours au bois de Boulogne. C’est là que j’eus l’honneur de monter ma première faction. Je fus préposé à la garde des cuisines ; c’est ainsi, comme chacun sait, qu’on appelle, en langage militaire, deux petits trous creusés en terre, dans lesquels on fait du feu et sur lesquels on pose des marmites en fer-blanc. J’avais pour consigne de ne pas laisser approcher de notre soupe les badauds parisiens qui vinrent en très grand nombre nous rendre visite. Par malheur ce jour-là il faisait beaucoup de vent et j’étais précisément sous le vent des cuisines. J’eus donc pendant deux heures une épaisse et âcre fumée de bois vert en plein visage, et quand on vint me relever de ma faction, j’avais les yeux rouges et larmoyants.

La nuit suivante, je fus encore de faction de deux heures à quatre heures et demie. Cette fois-ci plus de fumée, mais de la pluie, une pluie diluvienne qui transperça