Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/59

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tout mon équipement. Au début j’étais très fier de recevoir l’ondée sans parapluie. Il y avait là quelque chose d’héroïque fait pour séduire un bourgeois de Paris ; mais quand je fus mouillé jusqu’aux os, je commençai à faire de sérieuses et tristes réflexions. Je voulais bien me battre, mais attraper des rhumatismes me paraissait vulgaire et désagréable. Je revins assez penaud me sécher à un feu de bivouac ; je devais en voir bien d’autres.

Les derniers préparatifs s’achèvent enfin. On distribue les sacs, les bidons, les cartouches. Nous levons le camp vers six heures, et à sept heures nous partons, sans dîner, bien entendu ; on nous annonce qu’à la gare on nous distribuera des vivres. Notre marche, de Suresnes à la gare du Nord, fut une marche triomphale, une véritable ovation. Sur les boulevards, les voitures, les promeneurs s’arrêtent ; la foule s’amasse, bat des mains et nous acclame ; de tous côtés on voit les mouchoirs s’agiter. Nos plus proches voisins nous serrent les mains. – « Quel est ce bataillon ? – Les francs-tireurs Lafon-Mocquard, tous des volontaires. – Bravo ! c’est bien, c’est bien. » – Et vraiment nous avions bon air. L’attitude martiale de nos camarades, notre bonne tenue, et surtout notre titre de volontaires, enthousiasmaient la foule. Hélas ! sur notre passage quelques cris de :À Berlin ! se font encore entendre. Il s’agissait bien à ce moment d’une guerre de conquête. La patrie était envahie ; c’était pour défendre son sol sacré que nous nous levions. Qui donc pouvait encore crier À Berlin ?

Nous arrivons à la gare. Naturellement personne n’a pensé aux vivres ; on promet de nous en donner en route ; en route nous ne trouvons rien sur tout le parcours, les buffets sont absolument vides, et nous