Page:Armagnac - Quinze Jours de campagne, 1889.djvu/67

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les forces organisées, quelque peu importantes qu’elles fussent, et si vingt gendarmes étaient considérés comme de précieux auxiliaires pour une armée de 100 000 hommes.

La première nuit fut marquée par une alerte. Vers deux heures nous sommes réveillés par le cri :Aux armes ! nous entendons un coup de feu, puis deux, trois, puis un nouvel appel aux armes. Chacun se lève en hâte, et tout en se demandant ce qu’il y a, on court aux faisceaux, on saute sur son fusil qu’on charge précipitamment. Cette opération faite par des hommes profondément troublés et à moitié endormis ne laissa pas que de m’inspirer une certaine appréhension. Je vis des camarades charger imprudemment leurs armes en dirigeant le canon contre leurs voisins, et je ne sais vraiment comment il n’y eut personne de tué dans ce désordre. Nous attendons quelques minutes et le calme se rétablit. Après avoir été aux informations, nos chefs nous donnent en riant l’ordre de décharger les fusils et de nous recoucher paisiblement. L’histoire était simple.

Un jeune soldat placé en sentinelle avancée à 500 ou 600 mètres de notre campement croit apercevoir un Prussien se glisser le long d’une haie. Ne distinguant pas très bien, il crie : Qui vive ? Le Prussien interpellé ne répond pas ; une seconde fois : Qui vive ou je tire ? Le Prussien ne répond pas davantage et notre soldat fait comme il l’avait dit. À son coup de feu les deux sentinelles voisines, voyant un objet s’agiter dans l’ombre et pensant que le premier n’avait tiré qu’à bon escient, visent le prétendu Prussien, le manquent et se replient. Tout le camp se réveille et le chien, c’était un chien, se sauve et court encore.