Page:Armaingaud - La Boétie, Montaigne et le Contr’un - Réponse à M. P. Bonnefon.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

18 ans pour mettre 16. Or, par une logique étonnante, c’est dans cette substitution même de l’âge de 16 ans à celui de 18 ans, que M. Bonnefon, qui, lui, croit que La Boëtie a composé le Contr’un à 22 ou 23 ans, voit la preuve de la véracité de Montaigne[1] !

J’avais montré l’auteur des Essais un peu fanatique en 1562, et devenu tolérant et libéral huit ans plus tard. En 1570, il va visiter Michel de l’Hospital dans sa retraite et lui dédie les vers latins de La Boëtie, alors qu’en 1562 il s’était associé aux manifestations du parlement de Paris contre la politique libérale du grand chancelier. M. Bonnefon mène grand bruit de cette simple constatation et y voit de ma part une déformation des faits.

Ici encore, mon contradicteur perd le souvenir de ce qu’il a écrit. Il raconte que certains parlements, pour faire échec à l’édit de pacification, avaient décidé que tous leurs membres feraient profession de catholicisme, et que Montaigne, se trouvant à Paris en juin 1562, alors que le parlement de Bordeaux n’avait pas encore pris cette décision, demanda et obtint du parlement de Paris de prêter à son audience le serment en question. M. Bonnefon ajoute qu’il craint bien qu’il faille voir « dans cet acte tout spontané, qu’il ne faut pas confondre avec une démarche de courtoisie », un excès de zèle, une sorte d’approbation d’une mesure qui restreignait les édits de tolérance. Montaigne, ajoute-t-il, ne serait pas le seul dont la jeunesse se serait montrée moins tolérante que l’âge mûr[2] ». Qu’ai-je dit autre chose ?

Pour expliquer la possession du texte du Discours par les protestants en dehors de Montaigne, M. Bonnefon avait, dans son livre, émis une hypothèse ingénieuse : le document avait été inspiré par l’enseignement d’Anne Dubourg. Je crois l’avoir détruite par un argument auquel il répond faiblement. J’ai dit que le Contr’un, étant un écrit républicain et un manifeste révolutionnaire, n’a pu être ni inspiré, ni approuvé par Anne Dubourg, recteur de l’Université d’Orléans : celui-ci, comme alors les protestants et comme leur chef Calvin, étant profondément respectueux du pouvoir royal, intangible pour eux, même quand il était tyrannique. Alléguer, comme le fait pour me réfuter M. Bonnefon, que Dubourg, dans son interrogatoire et malgré sa fermeté, avait bien pu, au moment où sa vie était menacée, atténuer l’expression de ses vrais sentiments, c’est oublier qu’il a, au contraire, désavoué les atténuations que son avocat avait pris sur lui de présenter en son nom ; c’est vouloir

  1. P. Bonnefon, Montaigne et ses amis, I, pages 68-71.
  2. Bonnefon, Œuvres de la Boëtie, pp. 30-32.