Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/140

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et les pronoms et la diversité des temps par les adverbes, il ne laisserait pas d’être un vrai verbe. Comme en effet dans les propositions que les philosophes appellent d’éternelle vérité, comme Dieu est infini ; tout corps est divisible ; le tout est plus grand que sa partie, le mot est ne signifie que l’affirmation simple, sans aucun rapport au temps, parce que cela est vrai selon tous les temps, et sans que notre esprit s’arrête à aucune diversité de personne.

Ainsi, le verbe, selon ce qui lui est essentiel, est un mot qui signifie l’affirmation ; mais si l’on veut mettre dans la définition du verbe ses principaux accidents, on pourra le définir ainsi : vox significans affirmationem, cum designatione personæ, numeri et temporis ; un mot qui signifie l’affirmation, avec désignation de la personne, du nombre et du temps. Ce qui convient proprement au verbe substantif.

Car pour les autres verbes, en tant qu’ils diffèrent du verbe substantif par l’union que les hommes ont faite de l’affirmation avec de certains attributs, on peut les définir de cette sorte : vox significans affirmationem alicujus attributi, cum designatione personæ, numeri et temporis ; un mot qui marque l’affirmation de quelque attribut, avec désignation de la personne, du nombre et du temps.

Et l’on peut remarquer en passant que l’affirmation, en tant que conçue, pouvant être aussi l’attribut du verbe, comme dans le verbe affirmo, ce verbe signifie deux affirmations, dont l’une regarde la personne qui parle, et l’autre la personne de qui on parle, soit que ce soit de soi-même, soit que ce soit d’un autre. Car quand je dis Petrus affirmat, affirmat est la même chose que est affirmans, et alors est marque mon affirmation ou le jugement que je fais touchant Pierre ; et affirmans, l’affirmation que je conçois et que j’attribue à Pierre. Le verbe nego, au contraire, contient une affirmation et une négation par la même raison.

Car il faut encore remarquer que, quoique tous nos jugements ne soient pas affirmatifs, mais qu’il y en ait de négatifs, les verbes néanmoins ne signifient jamais d’eux-mêmes que les affirmations ; la négation ne se marquant que par des particules non, ne, ou par des noms qui l’enferment, nullus, nemo, nul, personne, qui, étant joints aux verbes, en changent l’affirmation en négation : « nul homme n’est immortel : » nullum corpus est indivisibile.


CHAPITRE III

Ce que c’est qu’une proposition, et des quatre sortes de propositions.


Après avoir conçu les choses par nos idées, nous com-