Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/146

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1o Que les contradictoires ne sont jamais ni vraies ni fausses ensemble ; mais si l’une est vraie, l’autre est fausse ; et si l’une est fausse, l’autre est vraie : car s’il est vrai que tout homme soit animal, il ne peut pas être vrai que quelque n’est pas animal ; et si, au contraire, il est vrai que quelque homme n’est pas animal, il n’est donc pas vrai que tout homme soit animal. Cela est si clair, qu’on ne pourrait que l’obscurcir en l’expliquant davantage.

2o Les contraires ne peuvent jamais être vraies ensemble ; mais elles peuvent être toutes deux fausses. Elles ne peuvent être vraies parce que les contradictoires seraient vraies ; car s’il est vrai que tout homme soit animal, il est faux que quelque homme n’est pas animal, qui est la contradictoire, et par conséquent encore plus faux que nul homme ne soit animal, qui est la contraire[1].

Mais la fausseté de l’une n’emporte pas la vérité de l’autre ; car il peut être faux que tous les hommes soient justes, sans qu’il soit vrai pour cela que nul homme ne soit juste, puisqu’il peut y avoir des hommes justes, quoique tous ne soient pas justes.

3o Les subcontraires, par une règle tout opposée à celle des contraires, peuvent être vraies ensemble, comme ces deux-ci, quelque homme est juste, quelque homme n’est pas juste ; parce que la justice peut convenir à une partie des hommes, et ne pas convenir à l’autre ; et ainsi l’affirmation et la négation ne regardent pas le même sujet, puisque quelque homme est pris pour une autre partie des hommes dans l’une des propositions, et pour une autre partie dans l’autre. Mais elles ne peuvent être toutes deux fausses ; puisque autrement les contradictoires seraient toutes deux fausses, car s’il était faux que quelque homme fût juste, il serait donc vrai que nul homme n’est juste, qui est la contradictoire, et à plus forte raison que quelque homme n’est pas juste, qui est la subcontraire.

4o Pour les subalternes, ce n’est pas une véritable opposition, puisque la particulière est une suite de la générale ; car, si tout homme est animal, quelque homme est animal ; si nul homme n’est singe, quelque homme n’est pas singe. C’est pourquoi la vérité des universelles emporte celle des particulières ; mais la vérité des particulières n’emporte pas celle des universelles ; car il ne s’ensuit pas que, parce qu’il est vrai

  1. Il importe de retenir cette distinction, trop souvent oubliée, entre les contradictoires et les contraires. Les critiques de Hegel, par exemple, n’y ont pas fait assez attention.