Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/159

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3o Quand elles ont plusieurs sujets et plusieurs attributs.

Non domus et fundus, non æris acervus et auri
Ægroto domini deduxit corpore febres,
Non animo curas
[1].

Ni les maisons, ni les terres, ni les plus grands amas d’or et d’argent ne peuvent ni chasser la fièvre du corps de celui qui les possède, ni délivrer son esprit d’inquiétude et de chagrin.

La vérité de ces propositions dépend de la vérité de toutes les deux parties : ainsi, si je dis, la foi et la bonne vie sont nécessaires au salut, cela est vrai, parce que l’une et l’autre y est nécessaire ; mais si je disais, la bonne vie et les richesses sont nécessaires au salut, cette proposition serait fausse, quoique la bonne vie y soit nécessaire, parce que les richesses n’y sont pas nécessaires.

Les propositions qui sont considérées comme négatives et contradictoires à l’égard des copulatives, et de toutes les autres composées, ne sont pas toutes celles où il se rencontre des négations, mais seulement celles où la négation tombe sur la conjonction ; ce qui se fait en diverses manières, comme en mettant le non à la tête de la proposition, non enim amas, et deseris, dit saint Augustin ; c’est-à-dire, il ne faut pas croire que vous aimiez une personne et que vous l’abandonniez.

Car c’est encore en cette manière qu’on rend une proposition contradictoire à la copulative, en niant expressément la conjonction ; comme lorsqu’on dit qu’il ne peut pas se faire qu’une chose soit en même temps cela et cela :

Qu’on ne peut pas être amoureux et sage,

Amare et sapere, vix deo conceditur[2] ;

Que l’amour et la majesté ne s’accordent point ensemble,

Non bene conveniunt, nec in una sede morantur
Majestas et amor
[3].


Des disjonctives.

Les disjonctives sont de grand usage, et ce sont celles où entre la conjonction disjonctive vel, ou.

L’amitié, ou trouve les amis égaux, ou les rend égaux,

Amicitia pares aut accipit, aut facit[4].

Une femme aime ou hait, il n’y a point de milieu,

Aut amat, aut odit mulier, nihil est tertium[5].

  1. Horace, Épîtres, I, 2, v. 48.
  2. Publius Syrus, Sentences, 25.
  3. Ovide, Métamorph., II, 846.
  4. Publius Syrus, Sentences, 32.
  5. Publius Syrus, Sentences, 67.