Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/192

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que de là dépendent les fondements de toute l’argumentation dont nous devons traiter dans la partie suivante ; et ainsi il a été bon que cette matière ne fût pas éloignée de ce que nous avons à dire du raisonnement, quoique, pour bien la traiter, il faille reprendre quelque chose de ce que nous avons dit de l’affirmation ou de la négation, et expliquer à fond la nature de l’une et de l’autre.

Il est certain que nous ne saurions exprimer une proposition aux autres que nous ne nous servions de deux idées : l’une pour le sujet et l’autre pour l’attribut, et d’un autre mot qui marque l’union que notre esprit y conçoit.

Cette union ne peut mieux s’exprimer que par les paroles mêmes dont on se sert pour affirmer, en disant qu’une chose est une autre chose.

Et de là il est clair que la nature de l’affirmation est d’unir et d’identifier, pour le dire ainsi, le sujet avec l’attribut, puisque c’est ce qui est signifié par le mot est.

Et il s’ensuit aussi qu’il est de la nature de l’affirmation de mettre l’attribut dans tout ce qui est exprimé dans le sujet, selon l’étendue qu’il a dans la proposition : comme quand je dis que tout homme est animal, je veux dire et je signifie que tout ce qui est homme est aussi animal ; et ainsi je conçois l’animal dans tous les hommes.

Que si je dis seulement quelque homme est juste, je ne mets pas juste dans tous les hommes, mais seulement dans quelque homme.

Mais il faut pareillement considérer ici ce que nous avons déjà dit, qu’il faut distinguer dans les idées la compréhension de l’extension, et que la compréhension marque les attributs contenus dans une idée, et l’extension, les sujets qui contiennent cette idée.

Car il s’ensuit de là qu’une idée est toujours affirmée selon sa compréhension, parce qu’en lui ôtant quelqu’un de ses attributs essentiels, on la détruit et on l’anéantit entièrement, et ce n’est plus la même idée ; et, par conséquent, quand elle est affirmée, elle l’est toujours selon tout ce qu’elle comprend en soi. Ainsi, quand je dis qu’un rectangle est un parallélogramme, j’affirme du rectangle tout ce qui est compris dans l’idée du parallélogramme ; car s’il y avait quelque partie de cette idée qui ne convînt pas au rectangle, il s’ensuivrait que l’idée entière ne lui conviendrait pas, mais seulement une partie de cette idée : et ainsi le mot de parallélogramme, qui signifie l’idée totale, devrait être nié et non affirmé du rectangle. On verra que c’est le principe de tous les arguments affirmatifs.

Et il s’ensuit, au contraire, que l’idée de l’attribut n’est pas prise selon toute extension, à moins que son extension ne fût plus grande que celle du sujet.

Car si je dis que tous les impudiques seront damnés, je ne dis pas qu’ils seront eux seuls damnés, mais qu’ils seront du nombre des damnés.

Ainsi, l’affirmation mettant l’idée de l’attribut dans le sujet, c’est proprement le sujet qui détermine l’extension de l’attribut dans la proposition affirmative, et l’identité qu’elle marque regarde l’attribut comme resserré dans une étendue égale à celle du sujet, et non pas dans toute