Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blables à celle qu’on ferait d’un homme en le définissant : un animal qui fait des souliers et qui laboure les vignes. Le même philosophe définit la nature : Principium motus et quietis in co in quo est[1] ; le principe du mouvement et du repos en ce en quoi elle est. Ce qui n’est fondé que sur une imagination qu’il a eue que les corps naturels étaient en cela différents des corps artificiels, que les naturels avaient en eux le principe de leur mouvement et que les artificiels ne l’avaient que de dehors ; au lieu qu’il est évident et certain que nul corps ne peut se donner le mouvement à soi-même, parce que la matière étant de soi même indifférente au mouvement et au repos, ne peut être déterminée à l’un ou à l’autre que par une cause étrangère ; ce qui ne pouvant aller à l’infini, il faut nécessairement que ce soit Dieu qui ait imprimé le mouvement dans la matière, et que ce soit lui qui l’y conserve.

La célèbre définition de l’âme paraît encore plus défectueuse : Actus primus corporis naturalis organici potentia vitam habentis[2] ; l’acte premier du corps naturel organique qui a la vie en puissance. On ne sait ce qu’il a voulu définir : car, 1o si c’est l’âme en tant qu’elle est commune aux hommes et aux bêtes, c’est une chimère qu’il a définie, n’y ayant rien de commun entre ces deux choses. 2o Il a expliqué un terme obscur par quatre ou cinq plus obscurs ; et, pour ne parler que du mot de vie, l’idée qu’on a de la vie n’est pas moins confuse que celle qu’on a de l’âme, ces deux termes étant également ambigus et équivoques.

Voilà quelques règles de la division et de la définition ; mais, quoiqu’il n’y ait rien de plus important dans les sciences que de bien diviser et de bien définir, il n’est pas nécessaire d’en rien dire ici davantage, parce que cela dépend beaucoup plus de la connaissance de la matière que l’on traite que des règles de la logique.


CHAPITRE XVII

De la conversion des propositions, où l’on explique plus à fond la nature de l’affirmation et de la négation, dont cette conversion dépend, et premièrement de la nature de l’affirmation.


(Les chapitres suivants sont un peu difficiles à comprendre, et ne sont nécessaires que pour la spéculation. C’est pourquoi ceux qui ne voudront pas se fatiguer l’esprit à des choses peu utiles pour la pratique, peuvent les passer.)

J’ai réservé jusqu’ici à parler de la conversion des propositions, parce

  1. De Gener., i, 2.
  2. Aristote, Physique, ii, 1.