Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/194

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deux choses soient conçues comme identifiées, qui est la plus parfaite de toutes les unions, que cette union ne soit réciproque, c’est-à-dire que l’on ne puisse faire une affirmation mutuelle des deux termes unis en la manière qu’ils sont unis[1] ; ce qui s’appelle conversion.

Ainsi, comme dans les propositions particulières affirmatives, par exemple, lorsqu’on dit : Quelque homme est juste, le sujet et l’attribut sont tous deux particuliers, le sujet d’homme étant particulier par la marque de particularité que l’on y ajoute, et l’attribut juste l’étant aussi, parce que, son étendue étant resserrée par celle du sujet, il ne signifie que la seule justice qui est en quelque homme : il est évident que si quelque homme est identifié avec quelque juste, quelque juste aussi est identifié avec quelque homme ; et qu’ainsi il n’y a qu’à changer simplement l’attribut en sujet, en gardant la même particularité, pour convertir ces sortes de propositions[2].

On ne peut pas dire la même chose des propositions universelles affirmatives, à cause que, dans ces propositions, il n’y a que le sujet qui soit universel, c’est-à-dire qui soit pris selon toute son étendue, et que l’attribut, au contraire, est limité et restreint ; et partant, lorsqu’on le rendra sujet par la conversion, il faudra lui garder sa même restriction, et y ajouter une marque qui le détermine, de peur qu’on ne le prenne généralement. Ainsi, quand je dis que l’homme est animal, j’unis l’idée d’homme avec celle d’animal, restreinte et resserrée aux seuls hommes, et partant, quand je voudrai envisager cette union comme par une autre face, en commençant par l’animal, et affirmer ensuite l’homme, il faut conserver à ce terme sa même restriction, et de peur que l’on ne s’y trompe, y ajouter quelque note de détermination.

De sorte que de ce que les propositions universelles affirmatives ne peuvent se convertir qu’en particulières affirmatives, on ne doit pas conclure qu’elles se convertissent moins proprement que les autres ; mais comme elles sont composées d’un sujet général et d’un attribut restreint, il est clair que lorsqu’on les convertit, en changeant l’attribut en sujet, elles doivent avoir un sujet restreint et resserré, c’est-à-dire particulier.

De là on doit tirer ces deux règles :

Règle I. Les propositions universelles affirmatives peuvent se convertir en ajoutant une marque de particularité à l’attribut devenu sujet.

  1. L’expression de l’identité, de la réciprocité parfaite est : A = A.
  2. Exemple de conversion : Quelque homme est juste, quelque juste est homme ; nul homme n’est parfait, nul parfait n’est homme ; tout homme est animal, quelque animal est homme.