Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Règle II. Les propositions particulières affirmatives doivent se convertir sans aucune addition ni changement, c’est-à-dire en retenant pour l’attribut devenu sujet la marque de particularité qui était au premier sujet.

Mais il est aisé de voir que ces deux règles peuvent se réduire à une seule qui les comprendra toutes deux.

L’attribut étant restreint par le sujet dans toutes les propositions affirmatives, si on veut le faire devenir sujet, il faut lui conserver sa restriction, et par conséquent lui donner une marque de particularité, soit que le premier sujet fût universel, soit qu’il fût particulier.

Néanmoins il arrive assez souvent que des propositions universelles affirmatives peuvent se convertir en d’autres universelles ; mais c’est seulement lorsque l’attribut n’a pas de soi-même plus d’étendue que le sujet, comme lorsqu’on affirme la différence ou le propre de l’espèce, ou la définition du défini ; car alors l’attribut, n’étant pas restreint, peut se prendre dans la conversion aussi généralement que se prenait le sujet. Tout homme est raisonnable. Tout raisonnable est homme.

Mais ces conversions n’étant véritables qu’en des rencontres particulières, on ne les compte point pour de vraies conversions, qui doivent être certaines et infaillibles par la seule transposition des termes.


CHAPITRE XIX

De la nature des propositions négatives.


La nature d’une proposition négative ne peut s’exprimer plus clairement qu’en disant que c’est concevoir qu’une chose n’est pas une autre.

Mais, afin qu’une chose ne soit pas une autre, il n’est pas nécessaire qu’elle n’ait rien de commun avec elle, et il suffit qu’elle n’ait pas tout ce que l’autre a, comme il suffit, afin qu’une bête ne soit pas un homme, qu’elle n’ait pas tout ce qu’a l’homme, et il n’est pas nécessaire qu’elle n’ait rien de ce qui est dans l’homme ; et de là on peut tirer cet axiome :

Axiome V. La proposition négative ne sépare pas du sujet toutes les parties contenues dans la compréhension de l’attribut, mais elle sépare seulement l’idée totale et entière composée de tous ces attributs unis.

Si je dis que la matière n’est pas une substance qui pense, je ne dis pas pour cela qu’elle n’est pas substance, mais je dis qu’elle n’est pas substance pensante, qui est l’idée totale et entière que je nie de la matière.

Il en est tout au contraire de l’extension de l’idée ; car la proposition négative sépare du sujet l’idée de l’attribut selon toute son extension : et la raison est claire ; car être sujet d’une idée et être contenu dans son extension, n’est autre chose qu’enfermer cette idée ; et par conséquent, quand on dit qu’une idée n’en enferme pas une autre, qui est ce