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qu’on appelle nier, on dit qu’elle n’est pas un des sujets de cette idée.

Ainsi, si je dis que l’homme n’est pas un être insensible, je veux dire qu’il n’est aucun des êtres insensibles, et par conséquent je les sépare tous de lui ; et de là on peut tirer cet autre axiome :

Axiome VI. L’attribut d’une proposition négative est toujours pris généralement. Ce qui peut aussi s’exprimer ainsi plus distinctement : Tous les sujets d’une idée qui est niée d’une autre sont aussi niés de cette autre idée ; c’est-à-dire qu’une idée est toujours niée selon toute son extension. Si le triangle est nié des carrés, tout ce qui est triangle sera nié du carré. On exprime ordinairement dans l’école cette règle en ces termes, qui ont le même sens : Si on nie le genre, on nie aussi l’espèce ; car l’espèce est un sujet du genre, l’homme est un sujet d’animal, parce qu’il est contenu dans son extension.

Non-seulement les propositions négatives séparent l’attribut du sujet selon toute l’extension de l’attribut, mais elles séparent aussi cet attribut du sujet selon toute l’extension qu’a le sujet dans la proposition ; c’est-à-dire qu’elles l’en séparent universellement si le sujet est universel, et particulièrement s’il est particulier. Si je dis que nul vicieux n’est heureux, je sépare toutes les personnes heureuses de toutes les personnes vicieuses ; et si je dis que quelque docteur n’est pas docte, je sépare docte de quelque docteur, et de là on doit tirer cet axiome :

Axiome VII. Tout attribut nié d’un sujet est nié de tout ce qui est contenu dans l’étendue qu’a ce sujet dans la proposition.


CHAPITRE XX

De la conversion des propositions négatives.


Comme il est impossible qu’on sépare deux choses totalement, que cette séparation ne soit mutuelle et réciproque, il est clair que si je dis que nul homme n’est pierre, je puis dire aussi que nulle pierre n’est homme ; car si quelque pierre était homme, cet homme serait pierre, et par conséquent il ne serait pas vrai que nul homme ne fût pierre. Et ainsi :

Règle III. Les propositions universelles négatives peuvent se convertir simplement en changeant l’attribut en sujet, et conservant à l’attribut devenu sujet la même universalité qu’avait le premier sujet.

Car l’attribut dans les propositions négatives est toujours pris universellement, parce qu’il est nié selon toute son étendue, ainsi que nous l’avons montré ci-dessus.

Mais, par cette même raison, on ne peut faire de conversion des propositions négatives particulières, et on ne peut pas dire, par exemple, que quelque médecin n’est pas homme, parce que l’on dit que quelque homme n’est pas médecin. Cela vient, comme j’ai dit, de la nature même de la né-