Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/227

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pas ami de Dieu, et de dire affirmativement qu’il est non ami de Dieu, c’est-à-dire du nombre de ceux qui ne sont pas amis de Dieu.

Exemple VI. Il y a beaucoup d’arguments semblables dont toutes les propositions paraissent négatives, et qui néanmoins sont très-bons, parce qu’il y en a une qui n’est négative qu’en apparence, et qui est affirmative en effet, comme nous venons de le faire voir, et comme on verra encore par cet exemple :

Ce qui n’a point de parties ne peut périr par la dissolution de ses parties ;

Notre âme n’a point de parties :

Donc notre âme ne peut périr par la dissolution de ses parties.

Il y a des gens qui apportent ces sortes de syllogismes pour montrer que l’on ne doit pas prétendre que cet axiome de la logique, on ne conclut rien de pures négatives, soit vrai généralement et sans distinction : mais ils n’ont pas pris garde que, dans le sens, la mineure de ce syllogisme et autres semblables est affirmative, parce que le milieu, qui est le sujet de la majeure, en est l’attribut ; or, le sujet et la majeure n’est pas ce qui a des parties, mais ce qui n’a point de parties ; et ainsi le sens de la mineure est : notre âme est une chose qui n’a point de parties ; ce qui est une proposition affirmative d’un attribut négatif.

Ces mêmes personnes prouvent encore que les arguments négatifs sont quelquefois concluants, par ces exemples : Jean n’est pas raisonnable : donc il n’est point homme. Nul animal ne voit : donc nul homme ne voit. Mais elles devaient considérer que ces exemples ne sont que des enthymèmes, et que nul enthymème ne conclut qu’en vertu d’une proposition sous-entendue, et qui par conséquent doit être dans l’esprit, quoiqu’elle ne soit pas exprimée ; or, dans l’un et l’autre de ces exemples, la proposition sous-entendue est nécessairement affirmative. Dans le premier, celle-ci : Tout homme est raisonnable ; Jean n’est point raisonnable : donc Jean n’est point homme ; et, dans l’autre : Tout homme est animal ; nul animal ne voit : donc nul homme ne voit ; or, on ne peut pas dire que ces syllogismes soient de pures négatives, et, par conséquent, les enthymèmes, qui ne concluent que par ce qu’ils enferment ces syllogismes entiers dans l’esprit de celui qui les fait, ne peuvent être apportés en exemple, pour faire voir qu’il y a quelquefois des arguments de pures négatives qui concluent.


CHAPITRE X

Principe général par lequel, sans aucune réduction aux figures et aux modes, on peut juger de la bonté ou du défaut de tout syllogisme.


Nous avons vu comme on peut juger si les arguments