Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/233

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ces chrétiens auxquels l’Évangile promet le salut : c’est pourquoi ce raisonnement conclut bien, mais la majeure est fausse, si le mot de chrétiens se prend dans la majeure pour tous les chrétiens, et il conclut mal s’il ne se prend que pour quelques chrétiens ; car alors la première proposition ne contiendrait point la conclusion.

Mais, pour savoir s’il doit se prendre universellement, cela doit se juger par une autre règle que nous avons donnée dans la seconde partie, qui est que, hors les faits, ce dont on affirme est pris universellement, quand il est exprimé indéfiniment : car quoique ceux qui commettent des actions criminelles, dans le premier exemple, et chrétiens, dans le deuxième, soient partie d’un attribut, ils tiennent lieu néanmoins de sujet au regard de l’autre partie du même attribut : car ils sont ce dont on affirme, qu’on ne doit pas les louer, ou qu’on leur promet le salut : et par conséquent, n’étant point restreints, ils doivent être pris universellement, et ainsi, l’un et l’autre argument est bon dans la forme ; mais la majeure du second est fausse, si ce n’est qu’on entendît par le mot de chrétiens ceux qui vivent conformément à l’Évangile, auquel cas la mineure serait fausse, parce qu’il n’y a point de méchants qui vivent conformément à l’Évangile[1].

Exemple III. Il est aisé de voir, par le même principe, que ce raisonnement ne vaut rien :

La loi divine commande d’obéir aux magistrats séculiers.

Les évêques ne sont point des magistrats séculiers :

Donc la loi divine ne commande point d’obéir aux évêques.

Car nulle des premières propositions ne contient la conclusion, puisqu’il ne s’ensuit pas que la loi divine commandant une chose, n’en commande pas une autre : et ainsi, la mineure fait bien voir que les évêques ne sont pas compris sous le nom de magistrats séculiers, et que le

  1. C’est encore là un appareil inutile pour juger, dans la pratique, une question aussi simple. Quant à la théorie, elle exige plus de rigueur.