Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/245

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souvent nécessaire, quand on en avance de douteuses, d’y joindre en même temps des preuves pour empêcher l’impatience de ceux à qui l’on parle, qui se blessent quelquefois lorsqu’on prétend les persuader par des raisons qui leur paraissent fausses ou douteuses ; car, quoique l’on y remédie dans la suite, néanmoins il est dangereux de produire, même pour un peu de temps, ce dégoût dans leur esprit : et ainsi, il vaut beaucoup mieux que les preuves suivent immédiatement ces propositions douteuses, que non pas qu’elles en soient séparées. Cette séparation produit encore un autre inconvénient bien incommode, c’est qu’on est obligé de répéter la proposition que l’on veut prouver. C’est pourquoi, au lieu que la méthode de l’école est de proposer l’argument entier, et ensuite de prouver la proposition qui reçoit difficulté, celle que l’on suit dans les discours ordinaires est de joindre aux propositions douteuses les preuves qui les établissent, ce qui fait une espèce d’argument composé de plusieurs propositions : car à la majeure on joint les preuves de la majeure, à la mineure les preuves de la mineure, et ensuite on conclut.

L’on peut réduire ainsi toute l’oraison pour Milon à un argument composé, dont la majeure est qu’il est permis de tuer celui qui nous dresse des embûches. Les preuves de cette majeure se tirent de la loi naturelle, du droit des gens, des exemples. La mineure est que Clodius a dressé des embûches à Milon, et les preuves de la mineure sont l’équipage de Clodius, sa suite, etc. La conclusion est qu’il a donc été permis à Milon de le tuer.

Le péché originel se prouverait par les misères des enfants, selon la méthode dialectique, en cette matière.

Les enfants ne sauraient être misérables qu’en punition de quelque péché qu’ils tirent de leur naissance ; or, ils sont misérables ; donc c’est à cause du péché originel. Ensuite, il faudrait prouver la majeure et la mineure ; la majeure, par cet argument disjonctif : la misère des enfants ne peut procéder que de l’une de ces quatre causes : 1o des péchés précédents commis en une autre