Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/279

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personnes vicieuses n’ont point de part à l’héritage de Jésus-Christ. Les premiers passeraient du sens divisé au sens composé, en se promettant, quoique toujours pécheurs, ce qui n’est promis qu’à ceux qui cessent de l’être par une véritable conversion ; et les derniers passeraient du sens composé au sens divisé, en appliquant à ceux qui ont été pécheurs, et qui cessent de l’être en se convertissant à Dieu, ce qui ne regarde que les pécheurs qui demeurent dans leurs péchés et dans leur mauvaise vie.

VII. Passer de ce qui est vrai à quelque égard à ce qui est vrai simplement.

C’est ce qu’on appelle dans l’école a dicto secundum quid ad dictum simpliciter. En voici des exemples : les épicuriens prouvaient encore que les dieux devaient avoir la forme humaine, parce qu’il n’y en a point de plus belle que celle-là, et que tout ce qui est beau doit être en Dieu. C’était mal raisonner : car la forme humaine n’est point absolument une beauté, mais seulement au regard des corps ; et ainsi, n’étant une perfection qu’à quelque égard et non simplement, il ne s’ensuit pas qu’elle doive être en Dieu parce que toutes les perfections sont en Dieu, n’y ayant que celles qui sont simplement perfections, c’est-à-dire qui n’enferment aucune imperfection, qui soient nécessairement en Dieu.

Nous voyons aussi dans Cicéron, au IIIe livre de la Nature des dieux, un argument ridicule de Cotta[1] contre l’existence de Dieu, qui peut se rapporter au même défaut. « Comment, dit-il, pouvons-nous concevoir Dieu, ne pouvant lui attribuer aucune vertu ? Car dirons-nous qu’il a de la prudence ? Mais la prudence consistant dans le choix des biens et des maux, quel besoin Dieu peut-il avoir de ce choix, n’étant capable d’aucun mal ? Dirons-nous qu’il a de l’intelligence et de la raison ? Mais la

  1. Cotta est un des personnages du De Natura deorum.