Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/321

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Mais si elle ne nous persuade pas par elle-même, on a besoin de quelque autre motif pour s’y rendre, et ce motif est, ou l’autorité, ou la raison. Si c’est l’autorité qui fait que l’esprit embrasse ce qui lui est proposé, c’est ce qu’on appelle foi. Si c’est la raison, alors ou cette raison ne produit pas une entière conviction, mais laisse encore quelque doute ; et cet acquiescement de l’esprit, accompagné de doute, est ce qu’on nomme opinion[1].

Que si cette raison nous convainc entièrement, alors, ou elle n’est claire qu’en apparence et faute d’attention ; et la persuasion qu’elle produit est une erreur, si elle est fausse en effet, ou du moins un jugement téméraire, si, étant vraie en soi, on n’a pas néanmoins eu assez de raison de la croire véritable.

Mais si cette raison n’est pas seulement apparente, mais solide et véritable, ce qui se reconnaît par une attention plus longue et plus exacte, par une persuasion plus ferme, et par la qualité de la clarté qui est plus vive et plus pénétrante, alors la conviction que cette raison produit s’appelle science, sur laquelle on forme diverses questions[2].

La première est, s’il y en a, c’est-à-dire si nous avons des connaissances fondées sur des raisons claires et certaines ; ou, en général, si nous avons des connaissances claires et certaines : car cette question regarde autant l’intelligence que la science.

Il s’est trouvé des philosophes qui ont fait profession de le nier, et qui ont même établi sur ce fondement toute leur philosophie ; et entre ces philosophes, les uns se sont contentés de nier la certitude en admettant la vraisemblance ; et ce sont les nouveaux académiciens :

  1. C’est ce que les anciens appelaient, avec Platon, δόξα, et qu’ils opposaient à la science, ἐπιστήμη.
  2. Dans cette phrase, Arnauld énumère les conditions de la conviction intérieure : 1o l’attention, qui est la part de la volonté, 2o la persuasion, qui est l’effet de l’objet sur l’esprit, 3o la clarté ou évidence, qui est la manière dont l’objet même apparaît. Cette analyse est exacte au point de vue psychologique, mais elle ne résout point la question métaphysique de la certitude. Arnauld décrit la certitude intérieure ou subjective, et il reste toujours à savoir si l’objet est tel que le sujet le constate.