Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/327

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Il y a de même une infinité de questions métaphysiques qui, étant trop vagues, trop abstraites, et trop éloignées des principes clairs et connus, ne se résoudront jamais[1] ; et le plus sûr est de s’en délivrer le plus tôt qu’on peut, et après avoir appris légèrement qu’on les forme, se résoudre de bon cœur à les ignorer :

Nescire quædam magna pars sapientiæ.

Par ce moyen, en se délivrant des recherches où il est comme impossible de réussir, on pourra faire plus de progrès dans celles qui sont plus proportionnées à notre esprit.

Mais il faut remarquer qu’il y a des choses qui sont incompréhensibles dans leur manière, et qui sont certaines dans leur existence. On ne peut concevoir comment elles peuvent être, et il est certain néanmoins qu’elles sont.

Qu’y a-t-il de plus incompréhensible que l’éternité ! et qu’y a-t-il en même temps de plus certain ? en sorte que ceux qui, par un aveuglement horrible, ont détruit dans leur esprit la connaissance de Dieu sont obligés de l’attribuer au plus vil et au plus misérable de tous les êtres, qui est la matière.

Quel moyen de comprendre que le plus petit grain de matière soit divisible à l’infini, et que l’on ne puisse jamais arriver à une partie si petite, que non-seulement elle n’en enferme plusieurs autres, mais qu’elle n’en enferme une infinité ; que le plus petit grain de blé enferme en soi autant de parties, quoique à proportion plus petites, que le monde entier ; que toutes les figures imaginables s’y trouvent actuellement, et qu’il contienne en soi un petit monde avec toutes ses parties, un soleil, un ciel, des étoiles, des planètes, une terre dans une justesse

    extrémité est celle où arrivent les grandes âmes qui, ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu’ils ne savent rien, et se rencontrent en cette même d’où ils étaient partis. Mais c’est une ignorance savante qui se connaît. » Pensées, xi, 2.

  1. Qu’est-ce qu’Arnauld en peut savoir ? Pourquoi veut-il trancher la question au moment même où il recommande la modestie ?