Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/347

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signée, mais qu’il est passé insensiblement à une autre, qui est celle de la nature. Il enseigne, par exemple, à diviser un angle en deux. Substituez sa définition. Qui ne voit que ce n’est point la rencontre de deux lignes qu’on divise en deux, que ce n’est point la rencontre de deux lignes qui a des côtés, et qui a une base ou sous-tendante ; mais que tout cela convient à l’espace compris entre les lignes, et non à la rencontre des lignes ?

Il est visible que ce qui a embarrassé Euclide, et ce qui l’a empêché de désigner l’angle par les mots d’espace compris entre deux lignes qui se rencontrent, est qu’il a vu que cet espace pouvait être plus grand ou plus petit, quand les côtés de l’angle sont plus longs ou plus courts, sans que l’angle en soit plus grand et plus petit ; mais il ne devait pas conclure de là que l’angle rectiligne n’était pas un espace, mais seulement que c’était un espace compris entre deux lignes droites qui se rencontrent, indéterminé selon celle de ces deux dimensions qui répond à la longueur de ces deux lignes, et déterminé selon l’autre par la partie proportionnelle d’une circonférence qui a pour centre le point où ces lignes se rencontrent.

Cette définition désigne si nettement l’idée que tous les hommes ont d’un angle, que c’est tout ensemble une définition du mot et une définition de la chose[1] ; excepté que le mot d’angle comprend aussi, dans le discours ordinaire, un angle solide, au lieu que, par cette définition, on le restreint à signifier un angle plan rectiligne : et lorsqu’on a ainsi défini l’angle, il est indubitable que tout ce que l’on pourra dire ensuite de l’angle plan rectiligne, tel qu’il se trouve dans toutes les figures rectilignes, sera vrai de cet angle ainsi défini, sans qu’on soit jamais obligé de changer l’idée, ni qu’il se rencontre jamais aucune absurdité en substituant la définition à la place du défini ; car c’est cet espace ainsi expliqué que l’on peut diviser en deux, en trois, en quatre ; c’est cet

  1. La définition de l’angle n’en est pas moins considérée, aujourd’hui encore comme une des difficultés de la géométrie théorique.