Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/349

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toujours dans ces idées qu’il a désignées par ces mots, et à qui il a donné les noms de raison et de proportion. Mais il n’y demeure pas, puisque, selon toute la suite de son livre, ces quatre nombres 3, 5, 8, 10, ne sont point en proportion, quoique la définition qu’il a donnée au mot de proportion leur convienne ; puisqu’il y a entre le premier nombre et le second, comparés selon la quantité, une habitude semblable à celle qui est entre le troisième et le quatrième.

Il fallait donc, pour ne pas tomber dans cet inconvénient, remarquer qu’on peut comparer deux grandeurs en deux manières : l’une, en considérant de combien l’une surpasse l’autre ; et l’autre, de quelle manière l’une est contenue dans l’autre : et comme ces deux habitudes sont différentes, il fallait leur donner divers noms, donnant à la première le nom de différence et réservant à la seconde le nom de raison. Il fallait ensuite définir la proportion l’égalité de l’une ou de l’autre de ces sortes d’habitudes, c’est-à-dire de la différence ou de la raison ; et, comme cela fait deux espèces, les distinguer aussi par deux divers noms, en appelant l’égalité des différences proportion arithmétique et l’égalité des raisons proportion géométrique : et parce que cette dernière est d’un usage beaucoup plus grand que la première, on pouvait encore avertir que lorsque simplement on nomme proportion, ou grandeurs proportionnelles, on entend la proportion géométrique, et que l’on n’entend l’arithmétique que quand on l’exprime. Voilà ce qui aurait démêlé toute cette obscurité et aurait levé toute équivoque.

Tout cela nous fait voir qu’il ne faut pas abuser de cette maxime, que les définitions de mots sont arbitraires ; mais qu’il faut avoir grand soin de désigner si nettement et si clairement l’idée à laquelle on veut lier le mot que l’on définit, qu’on ne puisse s’y tromper dans la suite du discours, en changeant cette idée, c’est-à-dire en prenant le mot en un autre sens que celui qu’on lui a donné par la définition, en sorte qu’on ne puisse substi-