Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/357

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plus grand que sa partie, qu’il est impossible de douter sérieusement si elles sont telles en elles-mêmes que nous les concevons. La raison est qu’on ne saurait en douter sans y penser, et on ne saurait y penser sans les croire vraies, et par conséquent on ne saurait en douter.

Néanmoins ce principe seul ne suffit pas pour juger de ce qui doit être reçu pour axiome, car il y a des attributs qui sont véritablement renfermés dans l’idée des choses qui s’en peuvent néanmoins et s’en doivent démontrer, comme l’égalité de tous les angles d’un triangle à deux droits, ou de tous ceux qu’un hexagone à huit droits ; mais il faut prendre garde si l’on n’a besoin que de considérer l’idée d’une chose avec une attention médiocre, pour voir clairement qu’un tel attribut y est renfermé, ou si, de plus, il est nécessaire d’y joindre quelque autre idée pour s’apercevoir de cette liaison. Quand il n’est besoin que de considérer l’idée, la proposition peut être prise pour axiome, surtout si cette considération ne demande qu’une attention médiocre dont tous les esprits ordinaires soient capables : mais si l’on a besoin de quelque autre idée que de l’idée de la chose, c’est une proposition qu’il faut démontrer. Ainsi, l’on peut donner ces deux règles pour les axiomes.

Règle I. Lorsque, pour voir clairement qu’un attribut convient à un sujet, comme pour voir qu’il convient au tout d’être plus grand que sa partie, on n’a besoin que de considérer les deux idées du sujet et de l’attribut avec une médiocre attention, en sorte qu’on ne puisse le faire sans s’apercevoir que l’idée de l’attribut est véritablement renfermée dans l’idée du sujet : on a droit alors de prendre cette proposition pour un axiome qui n’a pas besoin d’être démontré, parce qu’il a de lui-même toute l’évidence que pourrait lui donner la démonstration, qui ne pourrait faire autre chose, sinon de montrer que cet attribut convient au sujet en se servant d’une troisième idée pour montrer cette liaison ; ce qu’on voit déjà sans l’aide d’aucune troisième idée[1].

  1. Il faut se défier de cette règle peu scientifique. Leibnitz remarque