Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/362

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Ou des propositions déjà démontrées, et qui, par conséquent, sont devenues claires et évidentes par la démonstration qu’on en a faite ;

Ou la construction de la chose même dont il s’agira lorsqu’il y aura quelque opération à faire : ce qui doit être aussi indubitable que le reste, puisque cette construction doit avoir été auparavant démontrée possible, s’il y avait quelque doute qu’elle ne le fût pas.

Il est donc clair qu’en observant la première règle, on n’avancera jamais pour preuve aucune proposition qui ne soit certaine et évidente.

Il est aussi aisé de montrer qu’on ne péchera point contre la forme[1] de l’argumentation, en observant la seconde règle, qui est de n’abuser jamais de l’équivoque des termes, en manquant d’y substituer mentalement les définitions qui les restreignent et les expliquent.

Car s’il arrive jamais qu’on pèche contre les règles des syllogismes, c’est en se trompant dans l’équivoque de quelque terme, et le prenant en un sens dans l’une des propositions, et en un autre sens dans l’autre ; ce qui arrive principalement dans le moyen du syllogisme, qui, étant pris en deux divers sens dans les deux premières propositions, est le défaut le plus ordinaire des arguments vicieux. Or, il est clair qu’on évitera ce défaut si l’on observe cette seconde règle.

Ce n’est pas qu’il n’y ait encore d’autres vices de l’argumentation outre celui qui vient de l’équivoque des termes ; mais c’est qu’il est presque impossible qu’un homme d’un esprit médiocre, et qui a quelque lumière, y tombe jamais, surtout en des matières spéculatives, et ainsi il serait inutile d’avertir d’y prendre garde et d’en donner des règles ; et cela serait même nuisible, parce que l’application qu’on aurait à ces règles superflues pourrait divertir de l’attention qu’on doit avoir aux nécessaires. Aussi nous ne voyons point que les géomètres se mettent jamais en peine de la forme de leurs ar-

  1. La distinction de la matière et de la forme dans l’argumentation est empruntée à la scolastique et à Aristote.