Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/37

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pas dire que ces règles soient inutiles, puisqu’elles servent quelquefois à découvrir le défaut de certains arguments embarrassés, et à disposer ses pensées d’une manière plus convaincante, néanmoins on ne doit pas aussi croire que cette utilité s’étende bien loin, la plupart des erreurs des hommes ne consistant pas à se laisser tromper par de mauvaises conséquences, mais à se laisser aller à de faux jugements dont on tire de mauvaises conséquences. C’est à quoi ceux qui jusqu’ici ont traité de la logique ont peu cherché de remèdes, et ce qui fait le principal sujet des nouvelles réflexions qu’on trouvera partout dans ce livre.

On est obligé néanmoins de reconnaître que ces réflexions qu’on appelle nouvelles, parce qu’on ne les voit pas dans les logiques communes, ne sont pas toutes de celui qui a travaillé à cet ouvrage, et qu’il en a emprunté quelques-unes des livres d’un célèbre philosophe[1] de ce siècle, qui a autant de netteté d’esprit qu’on trouve de confusion dans les autres. On en a aussi tiré quelques autres d’un petit écrit non imprimé qui avait été fait par feu M. Pascal, et qu’il avait intitulé : De l’Esprit géométrique ; et c’est ce qui est dit, dans le chapitre XII de la première partie, de la différence des définitions de noms et des définitions de choses, et les cinq règles qui sont expliquées dans la quatrième partie, que l’on y a beaucoup plus étendues qu’elles ne le sont dans cet écrit.

Quant à ce qu’on a tiré des livres ordinaires de la logique, voici ce qu’on y a observé :

Premièrement, on a eu dessein de renfermer dans celle-ci tout ce qui était véritablement utile dans les autres, comme les règles des figures, les révisions des termes et des idées, quelques réflexions sur les propositions. Il y avait d’autres choses qu’on jugeait assez inutiles, comme les catégories et les lieux ; mais parce qu’elles étaient courtes, faciles et communes, on n’a pas cru devoir les omettre, en avertissant néanmoins du jugement qu’on doit en faire, afin qu’on ne les crût pas plus utiles qu’elles ne sont.

On a été plus en doute sur certaines matières assez épineuses et peu utiles, comme les conversions des propositions, la démonstration des règles des figures ; mais enfin on s’est résolu de ne pas les retrancher, la difficulté même n’en étant pas entièrement inutile : car il est vrai que, lorsqu’elle ne se termine à la connaissance d’aucune vérité, on a raison de dire : Stultum est difficiles habere nugas ; mais on ne doit pas l’éviter de même, quand elle mène à quelque chose de

  1. Descartes.