Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/373

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mais César, Pompée, Cicéron, Virgile, ont été, et si ce ne sont point des personnages feints comme ceux des Amadis[1].

Il est vrai qu’il est souvent assez difficile de marquer précisément quand la foi humaine est parvenue à cette certitude, et quand elle n’y est pas encore parvenue : et c’est ce qui fait tomber les hommes en deux égarements opposés, dont l’un est de ceux qui croient trop légèrement sur les moindres bruits, et l’autre de ceux qui mettent ridiculement la force de l’esprit à ne pas croire les choses les mieux attestées lorsqu’elles choquent les préventions de leur esprit ; mais on peut néanmoins marquer de certaines bornes qu’il faut avoir passées pour avoir cette certitude humaine, et d’autres au delà desquelles on l’a certainement, en laissant un milieu entre ces deux sortes de bornes, qui approche plus de la certitude ou de l’incertitude, selon qu’il approche plus des unes ou des autres.

Que si l’on compare ensemble les deux voies générales qui nous font croire qu’une chose est, la raison et la foi, il est certain que la foi suppose toujours quelque raison ; car, comme dit saint Augustin dans sa lettre xxii[2] et en beaucoup d’autres lieux, nous ne pourrions pas nous porter à croire ce qui est au-dessus de notre raison, si la raison même ne nous avait persuadés qu’il y a des choses que nous faisons bien de croire, quoique nous ne soyons pas encore capables de les comprendre : ce qui est principalement vrai à l’égard de la foi divine, parce que la vraie raison nous apprend que Dieu étant la vérité même, il ne peut nous tromper en ce qu’il nous révèle de sa nature

  1. Toutefois, il faut distinguer dans les objets sur lesquels porte le témoignage, ceux où les témoins sont vraiment compétents et éclairés, ceux où ils ne le sont pas et ne peuvent l’être.
  2. « Absit namque ut hoc in nobis Deus oderit, in quo nos reliquis animantibus excellentiores creavit. Absit, inquam, ut ideo credamus, ne rationem accipiamus sive quæramus ; cum etiam credere non possimus, nisi rationales animas haberemus. Ut ergo in quibusdam rebus ad doctrinam salutarem pertinentibus, quas ratione nunquam percipere valemus, sed aliquando valebimus, fides præcedat rationem, qua cor mundetur, ut imagine rationis capiat et perferat lucem, hoc utique rationis est. » (Epist. CXX.)