Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/372

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qu’une chose est vraie. La première est la connaissance que nous en avons par nous-mêmes, pour en avoir reconnu et recherché la vérité, soit par nos sens, soit par notre raison : ce qui peut s’appeler généralement raison, parce que les sens mêmes dépendent du jugement de la raison ; ou science, prenant ici ce nom plus généralement qu’on ne le prend dans les écoles, pour toute connaissance d’un objet tiré de l’objet même.

L’autre voie est l’autorité des personnes dignes de croyance qui nous assurent qu’une telle chose est, quoique par nous-mêmes nous n’en sachions rien ; ce qui s’appelle foi ou croyance, selon cette parole de saint Augustin : Quod scimus, debemus rationi ; quod credimus, auctoritati[1]

Mais comme cette autorité peut être de deux sortes, de Dieu ou des hommes, il y a aussi deux sortes de foi, divine et humaine.

La foi divine ne peut être sujette à erreur, parce que Dieu ne peut ni nous tromper ni être trompé.

La foi humaine est de soi-même sujette à erreur, parce que tout homme est menteur selon l’Écriture, et qu’il peut se faire que celui qui nous assurera une chose comme véritable sera lui-même trompé ; et néanmoins, ainsi que nous avons déjà marqué ci-dessus, il y a des choses que nous ne connaissons que par une foi humaine, que nous devons tenir pour aussi certaines et aussi indubitables que si nous en avions des démonstrations mathématiques ; comme ce que l’on sait, par une relation constante de tant de personnes, qu’il est moralement impossible qu’elles eussent pu conspirer ensemble pour assurer la même chose, si elle n’était vraie. Par exemple, les hommes ont assez de peine naturellement à concevoir qu’il y ait des antipodes ; cependant, quoique nous n’y ayons pas été, et qu’ainsi nous n’en sachions rien que par une foi humaine, il faudrait être fou pour ne pas le croire, et il faudrait de même avoir perdu le sens pour douter si ja-

  1. De Utilitate credendi, cap. XI.