Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/44

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sciences ; de sorte que, comme ils n’en ont jamais eu de vrai usage, ils ne la mettent aussi jamais en usage, et ils sont bien aises même de s’en décharger comme d’une connaissance basse et inutile.

On a donc cru que le meilleur remède de cet inconvénient était de ne pas tant séparer qu’on fait d’ordinaire la logique des autres sciences auxquelles elle est destinée, et de la joindre tellement, par le moyen des exemples, à des connaissances solides, que l’on vît en même temps les règles et la pratique ; afin que l’on apprît à juger de ces sciences par la logique, et que l’on retînt la logique par le moyen de ces sciences.

Ainsi, tant s’en faut que cette diversité puisse étouffer les préceptes, que rien ne peut plus contribuer à les faire bien entendre, et à les faire mieux retenir, que cette diversité, parce qu’ils sont d’eux-mêmes trop subtils pour faire impression sur l’esprit, si on ne les attache à quelque chose de plus agréable et de plus sensible.

Pour rendre ce mélange plus utile, on n’a pas emprunté au hasard des exemples des sciences ; mais on en a choisi les points les plus importants, et qui pouvaient le plus servir de règles et de principes, pour trouver la vérité dans les autres matières que l’on n’a pu traiter.

On a considéré, par exemple, en ce qui regarde la rhétorique, que le secours qu’on pouvait en tirer pour trouver des pensées, des expressions et des embellissements, n’était pas si considérable. L’esprit fournit assez de pensées, l’usage donne les expressions ; et pour les figures et les ornements, on n’en a toujours que trop. Ainsi, tout consiste presque à s’éloigner de certaines mauvaises manières d’écrire et de parler, et surtout d’un style artificiel et rhétoricien, composé de pensées fausses et hyperboliques, et de figures forcées, qui est le plus grand de tous les vices. Or, l’on trouvera peut-être autant de choses utiles dans cette Logique pour connaître et pour éviter ces défauts, que dans les livres qui en traitent expressément. Le chapitre dernier de la première partie, en faisant voir la nature du style figuré, apprend en même temps l’usage que l’on doit en faire, et découvre la vraie règle par laquelle on doit discerner les bonnes et les mauvaises figures. Celui où l’on traite des lieux en général peut beaucoup servir à retrancher l’abondance superflue des pensées communes. L’article où l’on parle des mauvais raisonnements où l’éloquence engage insensiblement, en apprenant à ne prendre jamais pour beau ce qui est faux, propose, en passant, une des plus importantes règles de la véritable rhétorique, et qui peut plus que toute autre former l’esprit à une manière d’écrire simple, naturelle et judicieuse. Enfin, ce que l’on dit dans le même chapitre, du soin que l’on doit avoir de n’irriter point la malignité de ceux à qui l’on parle, donne lieu d’éviter un très-grand nombre de défauts, d’autant plus dangereux qu’ils sont plus difficiles à remarquer.

Pour la morale, le sujet principal que l’on traitait n’a pas permis qu’on en insérât beaucoup de choses. Je crois néanmoins qu’on jugera que ce que l’on en voit dans le chapitre des fausses idées des biens et des maux, dans la première partie, et dans celui des mauvais raisonne-