Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/455

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qu’ils soient bien malhabiles ou bien malheureux, si avec cela on les peut attraper. Il est vrai qu’il y a des règles qui ont des exceptions, surtout dans les questions où il entre beaucoup de circonstances, comme dans la jurisprudence. Mais pour en rendre l’usage sûr il faut que ces exceptions soient déterminées en nombre et en sens, autant qu’il est possible : et alors il peut arriver que l’exception ait elle-même ses sous-exceptions, c’est-à-dire ses réplications, et que la réplication ait des duplications, etc. ; mais, au bout du compte, il faut que toutes ces exceptions et sous-exceptions bien déterminées, jointes avec la règle, achèvent l’universalité. C’est de quoi la jurisprudence fournit des exemples très-remarquables. Mais si ces sortes de règles chargées d’exceptions et de sous-exceptions devaient entrer dans les disputes académiques, il faudrait toujours disputer la plume à la main, en tenant comme un protocole de ce qui se dit de part et d’autre. Et cela serait encore nécessaire d’ailleurs, en disputant constamment en forme par plusieurs syllogismes mêlés de temps en temps de distinctions où la meilleure mémoire du monde se doit confondre. Mais on n’a garde de se donner cette peine de pousser assez les syllogismes en forme et de les enregistrer, pour découvrir la vérité quand elle est sans récompense ; et l’on n’en viendrait pas même à bout quand on voudrait, à moins que les distinctions ne fussent exclues ou mieux réglées.

Inconvénients et avantages du syllogisme.

Philalèthe. On croit généralement que le syllogisme est le grand instrument de la raison et le meilleur moyen de mettre cette faculté en usage. Pour moi, j’en doute, car il ne sert qu’à voir la connexion des preuves dans un seul exemple et non au delà ; mais l’esprit la voit aussi facilement et peut-être mieux sans cela. Et ceux qui savent se servir des figures et des modes en supposent le plus souvent l’usage par une foi implicite pour leurs maîtres, sans en entendre la raison. Si le syllogisme est nécessaire, personne ne connaissait quoi que ce soit par raison avant son invention, et il faudra dire que Dieu, ayant fait de l’homme une créature à deux jambes, a laissé à Aristote le soin d’en faire un animal raisonnable : je veux dire ce petit nombre d’hommes qu’il pourrait engager à examiner les fondements des syllogismes où entrent