Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/454

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posé d’autres), au delà desquels on ne pouvait point aller, et auxquels on serait obligé de se tenir de part et d’autre. Ainsi ces maximes ayant reçu le nom de principes qu’on ne pourrait point nier dans la dispute, et qui terminaient la question, on les prit par erreur (selon mon auteur), pour la source des connaissances, et non pour les fondements des sciences.

Théophile. Plût à Dieu qu’on en usât de la sorte dans les disputes, il n’y aurait rien à redire ; car on déciderait quelque chose. Et que pourrait-on faire de meilleur que de réduire la controverse, c’est-à-dire des vérités contestées, à des vérités évidentes et incontestables ? Ne serait-ce pas les établir d’une manière démonstrative ? Et qui peut douter que ces principes qui finiraient les disputes, en établissant la vérité, ne seraient en même temps les sources des connaissances ? Car pourvu que le raisonnement soit bon, il n’importe qu’on le fasse tacitement dans son cabinet ou qu’on l’établisse publiquement en chaire. Et quand même ces principes seraient plutôt des demandes que des axiomes, prenant les demandes non pas comme Euclide, mais comme Aristote, c’est-à-dire comme des suppositions qu’on veut accorder en attendant qu’il y ait lieu de les prouver, ces principes auraient toujours cet usage, que par ce moyen toutes les autres questions seraient réduites à un petit nombre de propositions. Ainsi je suis le plus surpris du monde de voir blâmer une chose louable par je ne sais quelle prévention dont on voit bien, par l’exemple de votre auteur, que les plus habiles hommes sont susceptibles, faute d’attention. Par malheur on fait tout autre chose dans les disputes académiques. Au lieu d’établir des axiomes généraux, on fait tout ce qu’on peut pour les affaiblir par des distinctions vaines et peu entendues, et l’on se plaît à employer certaines règles philosophiques dont il y a de grands livres tout pleins, mais qui sont peu sûres et peu déterminées, et qu’on a le plaisir d’éluder en les distinguant. Ce n’est pas le moyen de terminer les disputes, mais de les rendre infinies, et de lasser enfin l’adversaire. Et c’est comme si on le menait dans un lieu obscur où l’on frappe à tort et à travers, et où personne ne peut juger des coups. Cette invention est admirable pour les soutenants (respondentes), qui se sont engagés à soutenir certaines thèses. C’est un bouclier de Vulcain qui les rend invulnérables ; c’est Orci galea, le heaume de Pluton, qui les rend invisibles. Il faut