Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

propositions, et avec quantité de tours et pensées qui cachent ces propositions par l’inclination naturelle de l’esprit à abréger, et par les propriétés du langage, qui paraissent en partie dans l’emploi des particules, fera un tissu de raisonnements, qui représentera toute argumentation même d’un orateur, mais décharnée et dépouillée de ses ornements et réduite à la forme logique, non pas scolastiquement, mais toujours suffisamment pour connaître la force, suivant les lois de la logique, qui ne sont autres que celles du bon sens mises en ordre et par écrit, et qui n’en diffèrent pas plus que la coutume d’une province diffère de ce qu’elle avait été quand de non écrite qu’elle était elle est devenue écrite, si ce n’est qu’étant mise par écrit et se pouvant mieux envisager tout d’un coup, elle fournit plus de lumières pour pouvoir être poussée et appliquée ; car le bon sens naturel, sans l’aide de l’art faisant l’analyse de quelque raisonnement, sera un peu en peine quelquefois sur la force des conséquences en en trouvant, par exemple, qui enveloppent quelque mode, bon à la vérité, mais moins usité ordinairement. Mais un logicien qui voudrait qu’on ne se servît point de tels tissus ou ne voudrait point s’en servir lui-même, prétendant qu’on doit toujours réduire tous les arguments composés aux syllogismes simples dont ils dépendent en effet, serait, suivant ce que je vous ai déjà dit, comme un homme qui voudrait obliger les marchands dont il achète quelque chose de lui compter les nombres un à un, comme on compte aux doigts ou comme l’on compte les heures de l’horloge de la ville ; ce qui marquerait sa stupidité, s’il ne pouvait compter autrement, et s’il ne pouvait trouver qu’au bout des doigts que 5 et 3 font 8 ; ou bien cela marquerait un caprice s’il savait ces abrégés et ne voulait point s’en servir ou permettre qu’on s’en servît. Il serait aussi comme un homme qui ne voudrait point qu’on employât les axiomes et les théorèmes déjà démontrés, prétendant qu’on doit toujours réduite tout raisonnement aux premiers principes, où se voit la liaison immédiate des idées dont en effet ces théorèmes moyens dépendent. Après avoir expliqué l’usage des formes logiques de la manière que je crois qu’on le doit prendre, je viens à vos considérations, et je ne vois point comment vous voulez, monsieur, que le syllogisme ne serve qu’à voir la connexion des preuves dans un seul exemple. De dire que l’esprit voit toujours facilement les conséquences, c’est ce qui ne se trouvera