Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/50

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liberté naturelle et raisonnable, qui consiste à approuver ce qu’on juge vrai et à rejeter ce qu’on juge faux.

Car la raison ne trouve pas étrange qu’on la soumette à l’autorité dans des sciences qui, traitant des choses qui sont au-dessus de la raison, doivent suivre une autre lumière, qui ne peut être que celle de l’autorité divine ; mais il semble qu’elle soit bien fondée à ne pas souffrir que dans les sciences humaines qui font profession de ne s’appuyer que sur la raison, on l’asservisse à l’autorité contre la raison[1].

C’est la règle que l’on a suivie en parlant des opinions des philosophes, tant anciens que nouveaux. On n’a considéré dans les uns et dans les autres que la vérité, sans épouser généralement les sentiments d’aucun en particulier, et sans se déclarer aussi généralement contre aucun.

De sorte que tout ce qu’on doit conclure, quand on a rejeté quelque opinion ou d’Aristote ou d’un autre, est que l’on n’est pas du sentiment de cet auteur en cette occasion ; mais on n’en peut nullement conclure que l’on n’en soit pas en d’autres points, et beaucoup moins qu’on ait quelque aversion de lui, et quelque désir de le rabaisser. On croit que cette disposition sera approuvée par toutes les personnes équitables, et qu’on ne reconnaîtra dans tout cet ouvrage qu’un désir sincère de contribuer à l’utilité publique, autant qu’on pouvait le faire par un livre de cette nature, sans aucune passion contre personne.

  1. Comparer les Fragments de Pascal sur l’autorité en matière de philosophie.