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LA LOGIQUE
OU L’ART DE PENSER

La logique est l’art de bien conduire sa raison dans la connaissance des choses, tant pour s’instruire soi-même que pour en instruire les autres[1].

Cet art consiste dans les réflexions que les hommes ont faites sur les quatre principales opérations de leur esprit, concevoir, juger, raisonner et ordonner[2].

On appelle concevoir, la simple vue que nous avons des choses qui se présentent à notre esprit, comme nous nous représentons un soleil, une terre, un arbre, un rond, un carré, la pensée, l’être, sans en former aucun jugement exprès ; et la forme par laquelle nous nous représentons ces choses s’appelle idée[3].

On appelle juger, l’action de notre esprit par laquelle, joignant ensemble diverses idées, il affirme de l’une qu’elle est l’autre, ou nie de l’une qu’elle soit l’autre, comme

  1. On sait que la définition de la logique a donné lieu à de nombreuses controverses. En premier lieu, quel en est l’objet ? — Les opérations de la pensée qui servent à former la science. La logique, en effet, étudie la forme de la science, indépendamment de la matière des sciences. — En second lieu, la logique est-elle une science ou un art ? — Les deux à la fois. En effet, quand on a déterminé avec exactitude les lois ou règles du raisonnement, il n’y a rien dans l’application qui ne soit contenu dans ces lois, rien qui échappe à ces règles. Ce n’est pas comme dans la statuaire, par exemple, où aucune théorie et aucune règle abstraite ne peut embrasser toute la pratique. Dans la logique, la science et l’art se confondent.
  2. « Ce que nous appelons bien penser, dit Gassendi, semble comprendre quatre opérations, à savoir : bien imaginer, bien proposer, bien colliger ou inférer, bien ordonner. — La logique semble par conséquent pouvoir être divisée en quatre parties, dont la première soit de la simple imagination ; la seconde de la proposition, la troisième du syllogisme, la quatrième de la méthode. »
  3. Gassendi définit la logique l’art de bien penser. « On lui donne aussi, dit-il, le nom de dialectique, du mot διαλέγεσθαι, qui veut dire raisonner ou discourir, d’où vient qu’on la définit l’art de bien raisonner, de bien discourir. — Il y en a qui la nomment la canonique, parce qu’elle est comme une règle qui dresse l’entendement dans ses opérations, qui lui fait éviter l’erreur, et qui le dirige à la vérité, qui est le but où il tend. » (Abrégé de la philosophie de Gassendi, par Bernier, III.)