Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/9

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lières ou individuelles, et ce qu’elles représentent, des individus ; et celles qui en représentent plusieurs s’appellent universelles, communes, générales.

» Dans ces idées universelles, il y a deux choses qu’il est très-important de bien distinguer, la compréhension et l’étendue.

» J’appelle compréhension de l’idée, les attributs qu’elle enferme en soi, et qu’on ne peut lui ôter sans la détruire, comme la compréhension de l’idée du triangle enferme extension, figure, trois lignes, trois angles, et l’égalité de ces trois angles à deux droits, etc.

» J’appelle étendue de l’idée, les sujets à qui cette idée convient ; ce qu’on appelle aussi les inférieurs d’un terme général, qui, à leur égard, est appelé supérieur, comme l’idée d’un triangle en général s’étend à toutes les espèces diverses de triangle.

CHAPITRE VII. — Des cinq sortes d’idées universelles, genres, espèces, différences, propres, accidents.
Du genre.

» On appelle les idées genres quand elles sont tellement communes, qu’elles s’étendent à d’autres idées qui sont encore universelles, comme le quadrilatère est genre à l’égard du parallélogramme et du trapèze.

De l’espèce.

» Et ces idées communes, qui sont sous une plus commune et plus générale, s’appellent espèces ; comme le parallélogramme et le trapèze sont les espèces du quadrilatère, le corps et l’esprit sont les espèces de la substance.

» On appelle les idées différences, quand l’objet de ces idées est un attribut essentiel qui distingue une espèce d’une autre, comme étendu, pesant, raisonnable.

» On les appelle propres, quand leur objet est un attribut qui appartient en effet à l’essence de la chose, mais qui n’est pas le premier que l’on considère dans cette essence, mais seulement une dépendance de ce premier, comme divisible, immortel, docile.

» Et on les appelle accidents, quand leur objet est un vrai mode qui peut être séparé, au moins par l’esprit, de la chose dont il est dit accident, sans que l’idée de cette chose soit détruite dans notre esprit, comme rond, dur, juste, prudent…

CHAPITRE IX. — De la clarté et distinction des idées, et de leur obscurité et confusion.

» On peut distinguer dans une idée la clarté d’avec la distinction, et l’obscurité d’avec la confusion : car on peut dire qu’une idée nous est claire quand elle nous frappe vivement, quoiqu’elle ne soit point distincte, comme l’idée de la douleur nous frappe très-vivement, et, selon cela, peut être appelée claire ; et néanmoins elle est fort confuse en ce qu’elle nous représente la douleur comme dans la main blessée, quoiqu’elle soit dans notre esprit.

» Néanmoins, on peut dire que toute idée est distincte en temps que claire.

» L’idée que chacun a de soi-même comme d’une chose qui pense est