Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/241

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des poètes, qui dorment le jour : c’est le spectacle de sa fertilité, des labeurs qu’elle demande et qu’elle paie par l’abondance, c’est aussi la reprise par le fils de la fécondation séculaire du champ des aïeux, et, s’il ne dédaigne pas les plaisirs, ils ont, dans ses vers, quelque chose de plus relevé, sans rien d’artificiel.

Puis la facture du poème est bien supérieure chez Racan. Elle est d’abord beaucoup plus moderne, car chez Desportes l’usage des hiatus, des vieux mots, de la simple négation ne au lieu de ne pas, etc., met entre ces deux pièces, qui sont peut-être distantes d’une vingtaine d’années, tout l’intervalle d’un demi-siècle, ce qui arrive d’ordinaire entre l’œuvre d’un vieillard et celle d’un jeune homme, parce que chacun de nous reste, à son insu, fidèle à sa vingtième année. Il y a en outre dans la vieille chanson une mollesse et souvent une impropriété et une superfluité d’expressions qui lui ôtent beaucoup de force. De plus, le poète y a bien trop parlé de lui-même au lieu d’avoir, comme Racan, le bon goût d’attribuer ses propres sentiments au campagnard dont il vante le bonheur dès les premiers vers. Et nous ne mentionnons pas les chicanes de détail que lui a adressées Malherbe : Racan n’eut garde, dans son imitation, de retomber dans aucune des fautes qu’il vit reprocher par son maître à Desportes.

Notre poète lui a bien emprunté ses quinze sizains, mais il a remplacé le vers de dix syllabes par le grand alexandrin, et ce simple changement